Au revoir Nord Eclair et merci

C’est avec un énorme pincement au cœur que je vous annonce mon départ de Nord Éclair. C’est une page de 30 ans de ma vie qui se tourne. Pour plusieurs raisons, je ne m’étendrai pas sur la décision de la direction de Sudinfo de se séparer des anciens pour privilégier les « web native », selon l’expression entendue. Tout d’abord je n’ai pas pour habitude de cracher dans la soupe. Nord Éclair (sous le groupe Hersant, puis sous Rossel depuis 2004) m’a permis de fonder une famille et de lui permettre de vivre plutôt confortablement; c’est inestimable. Puis je suis plutôt de nature positive avec la volonté d’aller de l’avant; je préfère retenir tous les souvenirs agréables. Et ils furent très nombreux au cours de ces trois décennies. J’ai pu rencontrer des gens formidables et leur permettre, grâce au journal, d’être un peu dans la lumière. Enfin et surtout, je pense à mes collègues qui restent. Écorner l’image de Nord Éclair leur serait préjudiciable. Puis j’aime trop ce journal qui était celui de mes parents. Dans la boulangerie familiale, je vois encore mon père étendre « el gazette », comme il disait, sur sa table de travail pour prendre connaissance des dernières nouvelles de notre région. Son premier réflexe était d’aller chercher le Nord Éclair qui tombait très tôt dans la boîte aux lettres grâce aux porteurs, des gens précieux à qui le journal doit sa spécificité.

Nord Eclair apporte un regard différent sur notre belle Wallonie picarde

Nord Éclair mérite de continuer à vivre, car il apporte un regard différent sur notre belle Wallonie picarde. Il a toute sa place à côté de l’Avenir/la Dernière heure et la télévision régionale No Télé. C’est un plus incontestable pour la vivacité de notre démocratie locale. C’est pourquoi j’espère sincèrement que la direction ne se trompe pas dans ses choix. Achetez-le de temps en temps, voire abonnez-vous, chers lecteurs, chers amis; il est même possible aujourd’hui d’acheter l’article qui vous intéresse à la pièce. C’est uniquement comme ça que Nord Éclair pourra continuer à vivre.

Je veux aussi remercier toutes celles et tous ceux qui gravitent autour du milieu du journalisme et que j’ai côtoyés pratiquement quotidiennement : attaché(e)s de presse, animateurs et animatrices socio-culturel(le)s, responsables d’institutions publiques, etc. Mais aussi femmes et hommes politiques qui s’investissent pour le bien public et qui sont en très grande majorité des gens biens. En écrivant cela, je vais à contre-courant de ce qui dit dans l’opinion publique, mais je le pense sincèrement, même si, à l’image de la société, elles et ils ne sont pas tous des saints et des saintes. S’il y a bien une leçon que j’ai retenue de ces trente années de métier, c’est de se méfier des « yaka », des « yakapas » et des « il faudrait que », qui se sont multipliés comme des virus depuis l’avènement des réseaux sociaux. J’aurai toujours du respect pour les gens qui s’investissent dans la société, quelles que soient leurs opinions (à l’exception des extrêmes évidemment).

Je ne vais pas citer les noms de tous mes collègues actuels et passés par crainte, grand distrait que je suis, d’en oublier un. Mais sachez, chères et chers collègues, que je vous aime toutes et tous avec vos innombrables qualités et vos petits défauts. Et encore pardon à celles et ceux que j’ai pu offenser dans un moment d’énervement. Je veux remercier deux personnes en particulier car elles m’ont permis d’exercer ce formidable métier. Luc Parret tout d’abord qui fut mon premier chef d’édition et dont j’ai toujours admiré la plume, surtout sous son pseudo Eleph, et l’investissement dans le travail. Il m’a permis de mettre le pied à l’étrier en encourageant la direction de l’époque à m’engager. Les mies de pain dans sa barbe sont un peu ma Madeleine de Proust; il comprendra. Et je m’en veux toujours d’avoir oublié de l’inviter à mon mariage; un grand distrait, disais-je. La deuxième personne est Jean-Pierre De Rouck. Si Luc m’a mis le pied à l’étrier, Jean-Pierre m’a permis d’enfourcher le cheval Nord Éclair en finalisant mon engagement puis en me nommant chef d’édition à Mouscron, à la tête d’une chouette petite équipe. Ce furent de très belles années, riches et passionnantes.

J’ai aussi une pensée pour toutes les personnes disparues : Freddy Gaspardo, Bernard Mariaule, Daniel Van Doorne, Romain Deldaele, Jean Dupont, Noël Vandenbussche, Odon Boucq, Marc Jacob, Alphonse Verlinden, Robert Havrin, Sacha Leclercq, Andre Losfeld, Gérard Eloi… Des journalistes et des correspondants mais aussi de sacrées personnalités qui hélas se font de plus en plus rares dans le milieu de la presse.

« Mon premier souhait est de transmettre ce que j’ai pu apprendre, mon expérience »

Je ne sais pas encore ce que je vais faire. Tout d’abord souffler quelques semaines, afin de faire le bilan. Je suis ouvert à toutes les opportunités, mais mon premier souhait est de pouvoir travailler dans l’enseignement, transmettre ce que j’ai pu apprendre auprès des gens rencontrés au cours de ces trente dernières années. Avec ma licence en communication et celle en psychologie et sciences de l’éducation, je peux enseigner le français, la psychologie, la communication, l’éducation sociale… J’ai déjà la chance d’avoir une belle collaboration avec la Helha de Tournai. J’espère aussi pouvoir garder un lien avec l’écriture à travers la collaboration avec un média, quel qu’il soit. C’est sans doute cela qui va me manquer le plus après les apéros avec mes collègues: le plaisir de noircir avec des mots une page blanche (un carton, dans le jargon) et de donner vie à l’actualité à travers un texte. Je ne cache pas un peu d’angoisse: aurais-je encore la force, à l’âge de 56 ans, de m’investir dans un autre projet? Vais-je trouver un autre travail, tout simplement? Je reste optimiste et plein d’espoir cependant. Et je suis ouvert à toute suggestion.

Le métier de journaliste reste passionnant. Indispensable aussi à l’heure des fake news. On ne s’improvise pas journaliste contrairement à ce que peuvent penser beaucoup de trolls sur les réseaux sociaux qui croient obtenir et détenir la vérité au bout de trois clics. C’est un métier qui exige du temps et des moyens humains. Et par conséquent de l’argent. Pour répondre à quatre exigences: vérifier, recouper, expliquer et contextualiser. C’est uniquement de cette façon, à mon humble avis, qu’on pourra se différencier des réseaux sociaux, derrière lesquels la presse a trop tendance à courir, et reconquérir la confiance du public. J’ai toujours personnellement essayé de faire ce métier avec honnêteté, passion et sincérité. J’espère modestement y être parvenu.

Voilà, mon contrat prend fin ce 1er avril, et ce n’est pas un poisson. Je reviendrai à travers ce blog sur les moments intenses que j’ai pu vivre grâce au journal, sur la manière dont j’ai vécu ce formidable métier, sur ma conception du journalisme, sur mes plus belles rencontres, sur mes anecdotes, etc. Ce sera une façon pour moi de prendre congé doucement avec le journal, avec mon journal.

En attendant, longue vie à Nord Éclair!

Le mur de Berlin, mon mur des lamentations

Depuis, ma fille Valentine s’est rendue à Berlin. Moi pas encore. C’est elle qui a photographié ce qui reste aujourd’hui du mur.

Il y a 30 ans jour pour jour tombait le mur de Berlin. En 1989, je commençais mes études en communication et en journalisme après avoir bouclé celles de psycho. Je me souviens de l’engouement de la fac. Un moment historique. Un tournant dans l’histoire du XXème siècle. Quelques copains n’ont fait ni une ni deux. Ils ont embarqué dans une voiture avec quelques de vêtements de rechange et des sacs de couchage. Direction : Berlin. Pour vivre l’événement en direct. Pour saluer les jeunes venus de l’Est. Pour faire la fête, tout simplement. « Tu viens? » Je vois encore mon camarade de fac, la porte de la voiture entrouverte, m’inviter à prendre place à côté des autres. J’ai hésité, longuement. J’ai finalement refusé. A cause d’un travail à rendre, si je me souviens bien. Et d’une petite copine dont je ne voulais pas trop m’éloigner et qui a fini par me quitter un peu plus tard. Je m’en suis mordu les doigts. Je m’en suis voulu de ne pas avoir vécu cet instant historique dont je n’avais peut-être pas bien saisi toute la portée à l’époque. Aujourd’hui encore, je regrette.

« La pierre survit toujours à celui qui la cisèle, toujours à celui qui l’oublie.”

Didier le Pêcheur (les hommes immobiles)

Mes copains ont été sympas. Ils m’ont ramené un bout du mur. Un petit morceau qui devait faire 10 cm tout au plus et peser quelques grammes. Blanc et gris. Du béton. Du bête béton décomposé mais qui avait une valeur historique inestimable. Lorsque le week-end, je suis rentré à la maison, j’ai présenté mon bout de mur d’un air triomphant à mes parents. « Vous vous rendez compte ? Un morceau du mur de Berlin! » C’est à peu près les propos que j’ai dû leur tenir. Ils m’ont regardé, l’air de dire « hé alors, ce n’est qu’un morceau de gravats, un vulgaire caillou, du béton quoi » avant de reprendre leurs activités à la boulangerie familiale.

Mon morceau de béton, je l’ai déposé précieusement sur le buffet de la salle à manger. Son heure de gloire arrivera bien à un moment ou à un autre, me disais-je, mais en attendant, je l’ai bien mis en évidence, histoire que tout le monde voit ce bout… d’Histoire. Le week-end suivant, après une nouvelle semaine néo-louvaniste, je reviens à la maison. Je regarde le buffet. Plus de caillou, plus de morceau de béton, plus de bout d’histoire. Disparu, volatilisé. Mes parents : « ah, on ne sait pas ». Enquête menée, c’est la femme de ménage qui de passage en semaine a jeté mon bout d’Histoire à la poubelle. « Ah, j’ai cru qu’il s’agissait d’un morceau de pierre que quelqu’un avait ramassé dehors dans la cour et placé là en attendant ». Telles ont été à peu près ses explications. Je ne vous dis ma tête. Et ma déception. Je ne lui ai pas jeté… la pierre. Ni à elle, ni à mes parents d’ailleurs. Peut-être aurais-je dû être plus explicatif, plus disert, plus didactique. Ou, plus simplement, laisser le morceau du mur dans ma chambre à la maison ou dans mon kot à Louvain-La-Neuve.

“Les regrets éternels n’existent que sur la pierre.”

Tristan May, poète français

Je râle encore aujourd’hui. Les bouts de mur de Berlin s’échangent sur internet, même si je suis convaincu que je n’aurais pas revendu mon petit bout d’Histoire. Mais j’essaie de prendre les choses avec philosophie. De méditer sur la valeur qu’on peut donner aux objets. Ici, en l’occurrence, un vulgaire caillou pour mes parents et leur femme de ménage de l’époque. Et une pièce inestimable de l’histoire contemporaine pour l’étudiant que j’étais. C’est autant valable pour l’art que pour mon morceau de béton, je pense. Tout dépend du sens qu’on leur donne, que l’être humain leur donne. Trêve de philosophie. Je m’égare sans doute. Quoique, si je peux apporter ma petite pierre…

Sans transition, entre loterie et chocolat

Vu et entendu au JT de la RTBF ce mercredi 24 octobre:

Un Américain a gagné 1 milliard 600 millions de dollars au « Mégamillion », la loterie américaine. Soit 4 avions A 380, 5.500 Ferrari ou 58.000 années de carrière pour un professeur, détaille le journaliste. « Je m’achèterai un avion à réaction », dit une personne interrogée. « Un bateau ou une île », s’enthousiasme une autre.

Séquence suivante. Sans transition.

Fermeture de l’usine de production de chocolat Jacques à Eupen. Plus assez rentable.  Soit 70 personnes à la rue, un siècle d’histoire familiale aux oubliettes et un fleuron de l’industrie belge à la poubelle.

Tiens, 1 milliard 600 millions de dollars, cela fait combien de chocolateries?

 

 

« Vous êtes sûr que le bourgmestre ne dira rien? » ou le bonheur de notre démocratie

De la campagne électorale pour le scrutin communal qui se termine demain dimanche, je retiens un moment fort en tant que journaliste : la conversation que j’ai eue avec une dame d’origine africaine sur le marché de Leuze-en-Hainaut. Je l’invitais à monter dans la camionnette que Sudpresse avait aménagée pour son opération « moi, bourgmestre » qui consistait à demander aux citoyens ce qu’ils feraient pour leur commune s’ils en devenaient le bourgmestre

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Coup de gueule à la Une ? Non, coup de cœur

Ce matin, j’avais envie de pousser un coup de gueule après avoir vu que Nord Éclair (Sudpresse) faisait encore l’objet de quelques critiques, voire insultes, sur les réseaux sociaux. Après une journée comme celle de vendredi, où il a fallu s’occuper de la rédaction d’une dizaine de pages, une vingtaine en comptant l’édition de Mouscron, préparer les journaux de dimanche et lundi, traiter deux faits divers importants, couvrir la présentation d’une nouvelle liste électorale, discuter du traitement rédactionnel de la ducasse d’Ath, prendre les coups de fil de lecteurs qui n’avaient pas reçu le journal dans leur boîte aux lettres et j’en passe très probablement, cela m’a fait l’effet de la goutte d’eau prête à enclencher un tsunami. Puis je l’ai ravalée, la colère étant toujours mauvaise conseillère. L’amertume, c’est aussi se mettre au même niveau que ses détracteurs.

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Agressé à la rédaction pour un article que je n’ai pas écrit…

L’Association des Journalistes Professionnels (AJP) de Belgique m’a demandé d’écrire un billet d’humeur après l’agression dont j’ai été la victime le lundi 20 juillet à la rédaction de Nord Eclair Mouscron. Le texte est paru, au cours de ce mois de septembre, dans « Journalistes », le bulletin mensuel de l’AJP. Je le mets en ligne sur mon blog afin de le faire partager à ceux qui ne sont pas journalistes. Précision importante à l’égard de mes collègues et confrères qui ont appris mon agression dans le mensuel et qui se sont gentiment inquiétés : je vais mieux, même si je ne tourne pas la page de ma mésaventure aussi facilement que celle d’un journal.

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« Mais ce n’est pas la vérité »

Il y a quelques semaines, j’ai été invité à suivre un candidat mouscronnois à l’enregistrement d’une émission de téléréalité à Bruxelles. Il s’agit d’exécuter un numéro de deux minutes (chant, danse, imitation, jonglerie, humour, etc) sur scène devant trois jurés qui décident si vous poursuivez l’aventure ou non pour devenir « le » nouveau talent belge. C’est un divertissement plutôt bien fait. Et j’ai pris du plaisir à regarder les quinze numéros de la session d’après-midi pour laquelle j’étais présent. Je ne peux pas dévoiler le résultat de l’imitateur de Mouscron, un garçon éminemment sympathique, car l’émission doit être diffusée en septembre. Continuer la lecture de « Mais ce n’est pas la vérité »

Ma (petite) revue de presse

Comme tout journaliste qui se respecte, enfin je le suppose, je suis un boulimique d’informations. J’ingurgite ma première fournée dès 6h30 ou 7h, selon l’horaire scolaire de mes enfants, avec Vivacité Hainaut. Dans le brouillard, entre veille et sommeil, je me fais une première idée de l’actualité régionale. Avant d’avaler le petit déjeuner, direction la boîte aux lettres pour me procurer le Nord Éclair. Très égoïstement, je me précipite sur l’article que j’ai écrit pour l’édition du jour. Je le relis pour vérifier si je n’ai pas commis une faute de style ou, pire, d’orthographe. Je vérifie aussi comment le secrétaire de la rédaction de la veille a « vendu » mon sujet en Une ou s’il n’a pas modifié le sens en changeant mon titre. J’avoue que j’ai plus d’une fois renversé mon café.

Sur la route de l’école, lorsque je conduis mes enfants, c’est Matin Première (RTBF) qui anime la voiture. J’essaye de puiser dans l’actualité nationale, voire internationale, un sujet que je pourrais décliner en région. C’est aussi l’occasion de faire connaître à Valentine et Maxime les noms de ceux qui font (ou défont) la politique de ce pays. J’aime beaucoup la manière dont Bertrand Henne mène ses entretiens. Après avoir déposé mes enfants aux grilles de l’athénée Bara, je fais parfois un petit détour par Bel-Rtl, histoire d’écouter les imitations d’André Lamy et d’Olivier Leborgne. Ou alors je reste sur la Première pour la chronique décalée « le café serré », mon préféré étant celui de Thomas Gunzig, qui a le sens du texte. Juste avant de gagner la rédaction, je n’oublie pas non plus de revenir sur Vivacité histoire d’écouter le sujet d’actualité que Benjamin Maréchal, une très belle voix, a choisi de décliner avec ses auditeurs, même si je n’aime pas trop la manière dont il les interrompt.

 

presse

 

Au bureau, le temps que l’ordinateur s’allume, je reparcours le Nord Eclair du jour pour lire la prose de mes collègues, histoire de vérifier si on n’est pas passé à côté d’une information importante entendue à la radio. Puis, c’est le moment de la revue de presse. Je commence le plus souvent par la concurrence, le Courrier (l’Avenir) et la Dernière Heure. Les journalistes sont souvent d’une mauvaise foi crasse : ils se gaussent de l’information que les confrères n’ont pas eue mais en oubliant souvent que la veille, ils se sont peut-être fait griller sur un autre fait d’importance. J’imagine qu’il doit y avoir les mêmes haussements d’épaule et les mêmes esclaffements chez les journalistes d’en face. Puis vient la lecture de la presse nationale : le Soir (que je qualifie toujours de « Brusseile », ce qui irrite mes collègues), qui reste le quotidien de référence, la Libre Belgique pour laquelle j’ai une affection particulière non seulement parce que j’y ai travaillé comme correspondant régional il y a une quinzaine d’années mais parce qu’elle essaye de sortir son épingle du jeu avec le peu de moyens dont elle dispose. J’aime aussi lire la presse flamande : on reçoit les régionaux Het Nieuwsblad et Het Laatste Nieuws, dont j’apprécie la mise en page, plus percutante que dans la presse francophone.  Ils ne négligent pas la petite locale à laquelle ils essayent de donner une plus-value avec des photos de qualité. Puis, c’est l’occasion d’entretenir mon néerlandais (essentiellement passif). Je jette parfois un oeil furtif sur la Voix du Nord (France) non sans une pointe de nostalgie parce qu’elle parvient à garder son lectorat avec un traitement de l’information classique.

Les journalistes sont souvent d’une mauvaise foi crasse avec la concurrence

En cours de journée, je passe d’un site à l’autre : lesoir.be, nordeclair.be pour vérifier si nos informations ont bien été mises en ligne, dhnet.be, etc. Quelques clics aussi pour lemonde.fr (que je ne lis plus qu’en numérique alors qu’autrefois, je l’achetais encore de temps en temps), liberation.fr ou encore lefigaro.fr, histoire de vérifier comment des journaux de philosophie différente traitent le même sujet. C’était particulièrement amusant pour le déménagement de Gérard Depardieu à Néchin: l’acteur fut vilipendé par Libé, plutôt à gauche (Génial le titre « Manneken Fisc ») et relativement ménagé par le Figaro, marqué plus à droite. Côté sportif, je visite aussi lequipe.fr, surtout lorsqu’une équipe nationale française, quelle que soit la discipline, connaît la défaite (je sais, ce n’est pas très gentil).  J’aime aussi parcourir les sites des journaux flamands, particulièrement les commentaires des internautes sur standaard.be et hln.be : à déconseiller aux « Belgicains » parce que les francophones en prennent souvent pour leur grade, excepté curieusement quand un sportif belge, même wallon, remporte une victoire.

La revue de presse au bureau se termine toujours par le journal de 18h sur No Télé. Un rituel pour vérifier que nous ne sommes pas passés à côté d’une information d’importance ou pour voir comment nos confrères ont traité un sujet que nous avons aussi couvert. La télévision régionale traverse une mauvaise passe financière en ce moment. Il s’agit pour plusieurs communes de doubler leur contribution. Certes No Télé a parfois un côté nombriliste qui agace la presse écrite – « regardez combien ce qu’on fait est magnifique » -, mais c’est un péché véniel au regard de ce qu’elle apporte à la Wallonie picarde dont elle est un des éléments fédérateurs, sinon « le » seul élément fédérateur. Puis elle donne encore la parole à des personnes, à des associations que la presse écrite a tendance à négliger ces dernières années: le monde socio-culturel, les artistes, les groupements folkloriques, etc. A Tournai, No Télé vaut bien 2 euros par an et par habitant, l’équivalent de deux grilles du Lotto.

Sur le chemin du retour à la maison, la radio retrouve mes faveurs. J’ai un faible pour le « Face à l’info » sur la Première :   Eddy Caekelberghs fait peut-être des phrases trop longues, mais ses questions sont toujours précises et pertinentes avec ses invités dont il ne coupe jamais la parole. Si la route se prolonge, je zappe sur Europe 1, RTL ou encore France-Info pour entendre les dernières informations importantes. Si je ne rentre pas trop tard, j’essaye encore de jeter un coup d’oeil sur le journal télévisé de RTL-Tvi et/ou de la RTBF, mais j’avoue que c’est souvent de manière distraite. Comme je suis un couche-tard, je surfe encore un peu le soir : les mêmes sites d’info qu’en cours de journée – Nord Eclair en priorité pour voir comment les lecteurs réagissent aux sujets du jour -, mais j’y ajoute parfois le Temps en Suisse et le Soleil au Canada; c’est amusant de voir l’actualité par la lorgnette d’autres journaux francophones (pendant la campagne électorale américaine, le Soleil a fait une plongée au coeur des petites villes US assez surprenante).

Je ne terminerai pas ma revue de presse personnelle sans évoquer ce qui est pour moi « le » journal : l’hebdo satyrique « le Canard Enchaîné » que je loupe rarement lors de sa sortie en kiosque le mercredi. Il ne fait que 8 pages, sans photos, il coûte 1,40 euros, il n’a pas de site internet, mais il est drôle, impertinent, sans jamais perdre les règles de base du métier : vérifier, recouper l’information. Il n’hésite jamais à dire lorsqu’il s’est trompé tout en parvenant à faire de ses « pans sur le bec » des petits délices de lecture. « Le Canard » publie ses comptes chaque année. Et chaque année, il parvient à atteindre l’équilibre financier sans un seul encart publicitaire. Le pied (palmé), pour un journaliste qui se respecte; enfin, je suppose.

Faits divers, mots à maux

Coup de fil délicat à la rédaction de Nord Eclair Mouscron ce vendredi: une jeune femme nous a supplié de ne pas évoquer dans le journal le suicide de son frère survenu dans la matinée. Le jeune désespéré s’est hélas jeté sur les voies de chemin de fer à la hauteur d’Estaimpuis. Il était difficile d’accéder à la demande de sa sœur, parce que le drame s’est joué sur la voie publique avec une mobilisation très importante des services de secours et, pour conséquence, une immobilisation de la ligne ferroviaire pendant de nombreuses heures. Nous n’avons pas pour habitude d’évoquer le suicide d’une personne lorsque celui-ci survient dans un cadre privé, excepté si c’est une personnalité connue, mais lorsqu’il se déroule dans un cadre public, c’est le rôle de la presse régionale d’en évoquer les conséquences.

La jeune femme- et c’est compréhensible, vu la douleur qui l’étreignait – avait du mal à entendre nos explications. Elle a même eu des mots assez durs à notre égard. C’est vrai : les faits divers sont une composante importante d’un quotidien de proximité. On peut ne pas les apprécier, mais ils renvoient à notre condition humaine, entre vie et mort, ce qui explique sans doute leur popularité depuis que la presse existe. Je dis toujours : ce n’est pas l’abondance des faits divers qui fait la qualité d’un journal populaire, mais la manière dont on les traite. Beaucoup ne seront sans doute pas d’accord avec moi, mais je peux assurer que la plupart de mes collègues cherchent toujours à les traiter avec humanité. Pour le suicide de la voie ferrée, en accord avec mon jeune collègue qui s’en occupait, nous avons décidé d’en faire le strict minimum : l’évocation des faits et de ses conséquences en quelques lignes. Mais je ne crains que de toute façon, les mots, nos mots, ne seront toujours que des maux pour les victimes d’un tel drame. Notre métier n’est pas facile tous les jours.