Je le confesse: j’ai eu Mgr Léonard comme prof

propos.jpgJe l’avoue comme d’autres avoueraient probablement une maladie honteuse: j’ai eu Monseigneur André-Mutien Léonard comme professeur lorsque j’étais étudiant à l’Université (Catholique, oserais-je l’écrire) de Louvain. Et je vous dois un autre aveu coupable: j’ai plutôt un bon souvenir de celui qui est aujourd’hui cloué au pilori pour ses positions (j’ose encore) à propos des homosexuels.

J’ai suivi deux de ses cours: philosophie morale tout d’abord. Je vous l’assure: il n’a jamais dit ce qui était bien ou mal à propos des plaisirs de la chair. Celui qui n’était pas encore archevêque de Bruxelles-Malines était un excellent pédagogue, très drôle même. Et, exploit pour un prof qui donnait souvent cours tôt dans la matinée, il était rarement « brossé ». Il a réussi à rendre passionnant des philosophes comme Husserln, Merleau-Ponty, Kierkegaard, Bergson et évidemment Saint-Augustin, dont les lectures sont pour le néophyte plutôt indigestes. Comme je kotais dans le quartier du séminaire Saint-Paul, où il logeait, il m’arrivait de le suivre, à distance respectueuse, pour me rendre à l’auditoire où il dispensait ses cours. Dans les dédales de Louvain-la-Neuve, je le surprenais très souvent d’humeur guillerette (je n’ose pas écrire gaie). Il chantonnait toujours ce que je devinais être du grégorien. En tout cas, ce n’était pas du Johnny.

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L’Abbé Pierre, Albert Einstein et les trois explosions

Je suis tombé par hasard sur la rediffusion d’une séquence de « Noms de Dieux » (RTBF) consacrée en 1993 à l’abbé Pierre. Il y a un petit côté grandiloquent, voire pompeux, dans la présentation de l’émission, mais l’animateur Edmond Blattchen a le don de faire accoucher ses invités de leurs plus belles pensées. Avec le fondateur d’Emmaüs, c’était pour ainsi dire du pain bénit tant l’abbé était une montagne de paroles sensées. Un passage m’a interpellé : celui où l’homme de foi évoque sa rencontre avec l’homme de sciences qu’était Albert Einstein. J’ignorais d’ailleurs que ces deux personnalités du XXème siècle avaient eu l’occasion de dialoguer, en l’occurrence à l’issue d’une conférence à Minneapolis après la guerre.

Très inquiet à propos de l’avenir de l’humanité, l’abbé avait demandé à Albert Einstein quelles étaient, à ses yeux, les menaces du monde. L’homme de sciences en évoqua trois : l’explosion de la matière, avec le danger que représentait l’énergie atomique pour l’homme qui restait un être infantile. Depuis, il y a eu Tchernobyl et Fukushima. Le physicien craignait également un trafic de l’atome, ce qui est hélas le cas, même s’il n’y a pas encore eu de conséquences désastreuses. Deuxième menace: l’explosion de la vie. Il voulait parler de l’explosion démographique qui, si elle n’était pas maîtrisée, pouvait constituer un danger. Depuis, le nombre d’habitants sur terre a plus que doublé sans que les ressources ne suivent de manière équitable. Dernière menace : l’explosion « psychique » provoquée par la mondialisation de l’information. L’abbé évoquait naïvement une revue de luxe sur laquelle un pauvre pouvait tomber en se disant que lui aussi pouvait légitimement y avoir droit. Depuis, il y a eu l’explosion d’internet qui permet à tout à chacun de se rendre compte des inégalités du monde.

Le dialogue entre les deux hommes avait un côté prophétique. Trois menaces, trois explosions mais en même temps trois défis. L’humanité a encore besoin de personnalités comme l’abbé Pierre ou Albert Einstein pour les relever.