Internet est la meilleure et la pire des inventions. La meilleure lorsqu’il est instrument de savoir et de mise en relation. La pire lorsqu’il sert de catharsis aux plus vils instincts. En tant que journaliste, c’est souvent la réaction à nos articles mis en ligne qui me surprend toujours, très rarement en bien. Deux exemples : l’agression de la députée fédérale Christiane Vienne il y a quelques semaines et la crise cardiaque de Michel Daerden. La première affaire a donné un déchaînement de réactions poujadistes : si la parlementaire de Mouscron s’est fait piquer son sac à Bruxelles, c’est en gros en raison de la politique de sécurité mise en place par le PS. Ce ne sont pas les socialistes qui sont à l’Intérieur et à la Justice, mais soit; l’ignorance est souvent l’alliée de la bêtise. Deuxième affaire : l’état de santé de l’ancien ministre des Pensions, alias papa, qui a aussi suscité des commentaires intolérables. Je n’en citerai qu’un qui n’est pas le pire, mais qui en dit long: « un grosse pension de ministre en moins ». On peut aimer ou ne pas aimer le Liégeois. On peut critiquer ce qu’il a fait pendant sa vie politique; c’est même un devoir pour les journalistes. Mais dans des circonstances comme celles-ci, Michel Daerden a droit au respect de sa personne. Un homme ou une femme politique, c’est aussi une famille, des proches, des amis, quelle que soit son obédience, quelles que soient les idées qu’il ou elle défend.
Les journaux tentent bien de modérer les commentaires. Sudpresse les a même reliés au profil facebook pour éviter les pseudos, car l’anonymat permet d’écrire n’importe quoi en toute impunité, mais les internautes se sont empressés de se fabriquer un faux profil ou de mettre une photo bidon. Pas tous heureusement, mais beaucoup. Et je n’évoquerai pas ici les réactions aux faits divers, surtout si un des protagonistes a le malheur de s’appeler Mohamed ou Rachid.
Ce que je vais écrire va peut-être paraître exagéré, mais toutes ces réactions poujadistes, xénophobes et racistes me rappellent mes cours d’histoire et, plus précisément, le contexte des années trente avant l’avénément du nazisme. L’humanité est parfois à désespérer.