La mort de Felice Gimondi m’a touché. Le cycliste italien fait partie des coureurs mythiques de mon enfance. Gimondi l’Italien, Ocana l’Espagnol, Poulidor le Français, Zoetemelk le Hollandais et Merckx, le Belge. Des champions racés, que j’admirais. Evidemment Eddy était mon préféré. Le préféré de mon père aussi. Papa ne jurait que par Merckx. Lorsque nous partions en famille en excursion, un jour de course, il fallait trouver un bistrot avec une télévision pour suivre l’arrivée en direct. Je me souviens de la dernière étape d’un Tour de France suivie depuis un restaurant de la côte belge. J’ai encore dans les yeux les bras levés de toute l’équipe Molteni sur les champs Elysées pour célébrer la victoire finale du « cannibale ». Les équipiers étaient aussi heureux que leur leader. Cela m’avait impressionné.
Merckx, c’était aussi des réunions de famille animées. Avec un oncle français qui ne jurait que par Poulidor et Thévenet, un oncle flamand qui préférait Roger De Vlaeminck à Merckx et papa bien sûr, qui n’avait que Merckx dans la bouche. Il y a des souvenirs heureux comme la victoire d’Eddy au Paris-Roubaix de 1973 où il avait lâché Roger De Vlaeminck à plus de 40 km de l’arrivée. Et d’autres, nettement moins réjouissants comme le Tour de France de 1975 où Bernard Thévenet avait devancé notre champion : le gamin de 10 ans que j’étais avait été pleurer derrière l’atelier de la boulangerie familiale en tapant frénétiquement dans un ballon de foot.

Si papa s’est mis au cyclotourisme, c’est en grande partie, à mon avis, grâce à Eddy Merckx. Il obligeait mon frère et moi à le suivre le dimanche matin après nous avoir réveillés à l’aurore en ouvrant sans délicatesse les rideaux de notre chambre. Une bonne école de vie avec de beaux souvenirs comme notre découverte des Alpes-de-Haute-Provence à vélo lors de vacances familiales à la Motte-du-Caire. Une fois que Merckx a pris sa retraite, Papa a continué à rouler, mais il n’a plus jeté qu’un œil distrait sur les courses à la télévision. Le roi Eddy est resté mon idole. J’avais même les photos de ses exploits collés sur les fardes de mes cours dans les premières années de mes humanités. Et aujourd’hui encore je garde le virus des balades à vélo.
La disparition de Felice Gimondi me ramène à cette belle époque. J’ose à peine imaginer quelle sera mon émotion lorsque le grand Eddy ne sera plus de ce monde…