Un samedi après-midi sur le périphérique de Lille, un jour de misère ordinaire…

Un samedi après-midi, sur le périphérique de Lille. Un ciel bas et plutôt gris. Direction: Euralille, un temple de la consommation. Sortie Lille-Flandres. Une longue boucle pour sortir de l’autoroute. Une longue file aussi. Les voitures avancent lentement, à pas d’homme. Soudain, à la fin du virage, une petite fille aux cheveux bouclés. 8 ou 9 ans pas plus. Elle tend la main machinalement, frappe parfois à une vitre. Elle attend une pièce. Sans sourire, sans un véritable regard. On sent l’habitude. La routine de la misère.

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Je ne suis pas bleu des sportifs français. C’est mal, docteur?

Lorsque mardi soir, Novak Djokovic a levé le poing en guise de victoire en quart de finale de Roland Garros contre Jo-Wilfried Tsonga après avoir sauvé quatre balles de match, j’ai ressenti comme une jubilation intérieure. Ce n’est pas que j’éprouve de l’admiration pour le joueur serbe, mais je me réjouissais qu’un joueur français avait mordu la poussière rouge du tournoi parisien. Je sais: ce n’est pas bien.

Je suis comme 80% de ces Belges francophones, si pas davantage, à qui cela fait plaisir de voir un sportif bleu-blanc-rouge se casser la figure. J’avoue avoir ressenti la même jubilation en 2010 lorsque l’équipe de France a été sortie de la Coupe du Monde de football en Afrique du Sud dès le premier tour qualificatif. Et huit années auparavant, lors du tournoi mondial en Corée du Sud, j’avais baptisé un des petits nés de notre chatte Mirabelle « Bouba » en l’honneur du joueur du Sénégal qui avait éliminé les Bleus. Je sais: ce n’est pas bien.

Il n’y a en effet aucune raison objective à ce ressentiment sportif anti-français. La France est le pays où je vais le plus souvent en vacances comme tout Belge qui se respecte. Je regarde très fréquemment la télévision française que je trouve intellectuellement, du moins les chaînes publiques, plus intéressante. J’ai des collègues français avec qui j’aime bien travailler, même si j’aime aussi les taquiner. J’ai de la famille dans le Nord que j’adore. J’ai suivi avec passion les élections présidentielles. Mieux: j’ai de la sympathie pour les sportifs français eux-mêmes, pris individuellement: Jo-Wilfried Tsonga a une bonne tête, Yannick Noah suscite chez moi de l’admiration pour sa reconversion, Michel Platini est un excellent dirigeant du football, etc. Je pourrais en citer d’autres, actuels ou anciens: Bernard Hinault, Laurent Fignon, Laurent Blanc, Eric Cantona, etc. Mais dès qu’ils sont (ou étaient) sur un terrain ou sur un vélo, rien à faire: je préfère (ou préférais) les voir sur la deuxième marche du podium plutôt que sur la première. Pourquoi? Les médias français, surtout parisiens, qui en font des tonnes dès qu’un de leurs compatriotes remporte une victoire ? Sans doute. Parce qu’ils parlent souvent des « petits Belges » ou « des cousins belges » avec une légère pointe de condescendance? Ou parce qu’ils parviennent toujours à trouver une attache française à un(e) Belge qui gagne (même si cela arrive de moins en moins souvent, avouons-le). Il y a de ça aussi peut-être. Il faut probablement ajouter une part de complexe, du petit par rapport au grand voisin (Les Flamands sont paraît-il ainsi avec les Hollandais et les Autrichiens, avec les Allemands).

Les Français, je crois, n’ont pas conscience de ce ressentiment. Et lorsqu’ils le découvrent, ils sont toujours très surpris. A titre personnel, j’essaye de me corriger, car je suis un francophile sincère pour plein d’autres domaines que sportifs à défaut d’être un francolâtre. Pourtant, l’Euro 2012 de football va commencer vendredi. Avec les collègues, je me suis risqué au jeu des pronostics. Et j’avoue: j’ai mis l’équipe de France sortante dès le premier tour. Je sais: ce n’est pas bien.

Mais on ne se refait pas…

 

Sarko et les Grecs

Sarko par-ci, Sarko par là. Hollande ici, Hollande là-bas. A bas Sarko, vive Hollande. Pauvre Sarko, maudit Hollande. Les Belges ont été passionnés par la campagne présidentielle française: plus de 600.000 téléspectateurs les journées des deux tours sur la RTBF. Le « The Voice » politique a rendu son verdict dimanche soir. Sarko s’est même retiré comme une rock star. Hollande est entré en scène.

Dimanche, en Grèce, il y avait aussi des élections. Pas de grand show. Pas de grande déclaration, mais une triste réalité qui n’est même pas de la téléréalité : un parti néo-nazi, qui se revendique comme tel, a remporté 6 à 8% des suffrages et rentre au parlement. Lundi, ce parti a organisé une conférence de presse. Pas la grande foule, mais un malabar au crâne rasé a demandé aux journalistes présents de se lever. En signe de respect. Ils se sont tous exécutés, à l’exception d’une consoeur, qui, elle seule, mérite véritablement notre respect.

Lundi 7 mai 2012. C’était une journée ordinaire, en Grèce, membre de l’Union européenne et berceau de la démocratie.

La montée du FN vue par un journaliste algérien

Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur la montée du Front National en France. Dans la page « Débats » de la Libre Belgique (3 mai 2012), j’ai lu une opinion très intéressante d’un journaliste algérien sous le titre « Le Pen en force, à qui la faute? ». Akram Belkaïd – c’est son nom – est loin de mettre la France dans le même sac du racisme et de la xénophobie. Il ne la juge pas en se bouchant le nez comme le font parfois des intellectuels d’autres pays européens. Il ne donne pas de leçon non plus. Le journaliste épingle la violence économique et sociale, le comportement désinvolte des élites et des bobos, la mondialisation qui affole et la peur de l’étranger mais aussi le comportement inadmissible de Français dont les parents sont d’origine étrangère. Akram Belkaïd revient ainsi sur « les imbéciles et autres voyous qui avaient sifflé la Marseillaise » lors du match de foot amical France-Algérie en octobre 2001: ils « ont contribué à la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle d’avril-mai 2002 ». « Ce n’est pas faire preuve d’indulgence pour l’extrême-droite que d’écouter les témoignages de celles et de ceux qui n’en peuvent plus des incivilités, des insultes et autres actes de violence gratuite », écrit-il. « Il faut écouter les témoignages de celles et de ceux engagés dans la lutte contre les inégalités et le Front national mais qui avouent leur incompréhension, si ce n’est leur agacement, quand ils entendent des discours de haine à l’égard de la France et des Français de souche ».

Je trouve le témoignage de ce journaliste algérien très lucide et très courageux, car selon moi, la lutte contre l’extrême-droite passe évidemment et prioritairement par la mobilisation des démocrates européens mais aussi par la capacité des communautés immigrées à dénoncer les dérives imbéciles d’une partie, heureusement extrêmement minoritaire, des leurs.

Ci-dessous le blog de ce journaliste, avec l’article en question paru dans la Libre et le Quotidien d’Oran. Sa chronique s’appelle « la chronique du blédard » : http://akram-belkaid.blogspot.com/

Au chemin des morts

sentier.jpgCe vendredi après-midi, je me suis rendu au chemin des… morts. Drôle de nom pour un sentier bucolique qui mène de Leers-Nord (Belgique) à Leers (France). L’explication remonte bien avant l’existence de la Belgique, lorsque les habitants de Leers-Nord devaient emprunter ce chemin pour enterrer leurs défunts au cimetière qui se trouvait de l’autre côté de ce qui allait devenir la frontière franco-belge. « Un sentier d’au moins 240 ans à valeur historique et patrimoniale », m’a certifié le riverain qui m’a convié là-bas. Mais ce n’est pas pour parler du patrimoine local que je me suis rendu au chemin des morts. Le riverain voulait dénoncer la disparition du sentier… recouvert de terre et cultivé – enterré, si on peut dire – par le cultivateur des parcelles voisines. Plus possible pour les promeneurs et les joggeurs de l’emprunter pour gagner la France. Le citoyen en question, un alerte quinquagénaire en tenue sportive, a alerté la commune et le conseiller écolo du coin.Il  a même déposé plainte auprès de la police. Il va probablement obtenir gain de cause car l’agriculteur a été mis en demeure par la commune de remettre ce sentier en état.

Étonné par la détermination de certains citoyens, mais parfois agacé

Je suis toujours étonné par la détermination de certains citoyens, souvent retraités ou proches de la retraite, à défendre leur patrimoine local. Ici un sentier, ailleurs un arbre élagué par les services communaux ou un coin de campagne « menacé » par la réalisation d’une dalle de compostage, la construction d’une éolienne ou d’un mât de télécommunication. Étonné, souvent admiratif, mais parfois aussi, je ne le cache pas, agacé, car le  « partout ailleurs, excepté dans mon jardin » – le fameux syndrome Nimby (Never in my backyard) – n’est jamais très loin. D’accord pour les GSM, mais surtout pas d’antenne près de chez moi. Ok pour les énergies renouvelables, mais pas d’éoliennes qui gâchent la vue depuis mon jardin. D’accord pour des rivières propres, mais surtout pas de station d’épuration au bout de ma rue.

Il m’arrive de me poser des questions quant au rôle du journaliste qui sert d’amplificateur ou de caisse de résonance à des revendications particulières contre un intérêt collectif. N’a-t-on pas tendance à se précipiter? Ce n’est nullement le cas, je le précise, de mon riverain du chemin des Morts dont le souci, n’a-t-il cessé de me répéter, est avant tout patrimonial et historique. D’ailleurs, m’a-t-il fait remarquer dans un haussement d’épaules, les autres riverains s’en foutent… Ils font le mort.

 

Monsieur Propre

Mes collègues de Nord Eclair France ont consacré un article à un citoyen de Tourcoing qui a créé un blog pour dénoncer la malpropreté dans le quartier de la Gare de sa ville. Il parcourt les rues, son appareil photo en bandoulière, et immortalise tags, sacs poubelles éventrés, déchets abandonnés, etc. Il ne s’en prend pas à la municipalité, dont il reconnaît les efforts, mais il décrit son exaspération. Je peux le comprendre: c’est là que naît le premier sentiment d’insécurité. Le Tourquennois qui, selon l’expression de mon collègue, ne râle pas pour le plaisir de râler, réfléchit à des solutions qu’on pourrait aller chercher du côté de la Belgique, dit-il. Il ne les décrit pas dans l’article, mais je suis curieux de les connaître car j’ai le sentiment qu’en matière de propreté dans les rues, Mouscron et Tournai ne sont pas mieux loties que leurs villes voisines du Nord. Je ne compte plus le nombre de canettes dans les fossés lorsque je parcours, avec mon chien, la campagne tournaisienne. La lutte contre les incivilités a été renforcée, notamment à travers les amendes administratives, mais elle tarde à révéler ses effets, du moins visuellement. Comme ce citoyen français, je ne blâmerai pas les communes. J’en appellerai au sens civique de tous et toutes, mais hélas, le mot « civisme » est considéré aujourd’hui comme un gros mot. A Mouscron, il y a quelques mois, un agent d’entretien me confiait se faire insulter régulièrement lorsqu’il passe dans les rues avec son aspirateur à déchets. On jette même devant ses pieds les détritus avec, dans les yeux, un air de défi. « C’est ton boulot de les ramasser », lui dit-on s’il fait mine de réagir.

Détail non sans importance: le Monsieur Propre de Tourcoing a écrit à la Ville, n’a pas reçu de réponse, mais les rues qu’il dénonçait dans sa missive ont été nettoyées le lendemain. Mais les services de propreté auraient pu repasser le surlendemain, car elles ne sont pas restées nettes très longtemps.

Deux candidats, deux éditos

A propos des présidentielles françaises, voilà la conclusion de deux éditos après le débat Sarkozy – Hollande à la télévision.

Celui de Libération tout d’abord, journal de gauche :

« Enfin, par rapport à 2007, et en dépit d’une réalisation digne de la télévision époque ORTF, la dynamique propre du débat aura permis d’éviter la juxtaposition des langues de bois, le choc des slogans creux. Et, à ce jeu-là, François Hollande a marqué bien des points ».

Et celui du Figaro, journal de droite:

« Nicolas Sarkozy a apporté la preuve hier, que dans une élection aussi fondamentale que l’élection présidentielle, le sortant pouvait être plus moderne que celui qui aspire à le remplacer ».

Enfin, plus neutre, le Monde titre sur sa page web, après minuit : « c’est un match nul: Hollande partait en position de favori, et il le reste »

Chaque sensibilité voit son poulain gagnant.