Le citoyen peut aussi se bouger

Mercredi, à Mouscron, se terminait l’enquête publique relative au permis d’urbanisme demandé par le propriétaire du Refuge, l’ancien hôpital du quartier du Tuquet, qu’il souhaite transformer en un centre d’accueil susceptible d’accueillir jusqu’à 900 candidats réfugiés. On s’attendait à une véritable ruée sur les documents, que les  Mouscronnois pouvaient consulter à trois endroits différents, vu le tollé qu’avait suscité le projet avec manifestations, pétitions, interpellations au conseil communal, etc. Mais seulement 130 personnes ont émis des remarques, ce qui est beaucoup par rapport à d’autres enquêtes publiques, mais très très peu par rapport à l’irritation citoyenne.

Alors des grandes gueules, les Mouscronnois, qui se dégonflent dès qu’il s’agit de passer à l’action? Nous n’irons pas jusque là. Je placerai surtout le manque de mobilisation sur le compte de l’ignorance et de la paresse intellectuelle. La marche à suivre pour l’enquête publique a été affichée aux alentours de l’ancien hôpital, a été expliquée dans les journaux et à la télévision régionale, mais beaucoup de citoyens ne font pas beaucoup d’efforts pour aller chercher l’information ou, plus simplement, pour s’intéresser à la chose publique en dehors du cadre de la simple manifestation d’un ras-le-bol. Ils s’attendent à ce que cela tombe tout cuit dans leur boîte aux lettres, comme le prouvent les réactions sur le site de Nord Eclair à propos de l’article qui s’étonnait de la faible mobilisation. Beaucoup d’internautes ne savent d’ailleurs manifestement pas ce qu’est exactement une enquête publique. Bien sûr, c’est aux médias et aux responsables politiques d’expliquer à nouveau et d’expliquer encore, mais c’est aussi au citoyen de se bouger un peu.  C’est valable pour ce projet qui n’aboutira probablement pas, vu que le Collège communal va émettre un avis négatif, mais aussi pour tout ce qui touche de près et de loin la vie publique : le citoyen est avant tout un acteur de son propre devenir, il ne peut se contenter d’être un observateur râleur.

Chômeurs: la chasse aux idées reçues

Cette semaine, une question parlementaire du député wallon Luc Tiberghien (Ecolo) a attiré mon attention pour un sujet de reportage publié dans l’édition de mercredi. Il a fait état d’une étude de la fédération des CPAS sur le nombre de plus en plus important des exclus du chômage qui viennent gonfler les rangs des Centres Publics d’Action Sociale (CPAS) de Wallonie. Un seul chiffre, révélateur : à Mouscron, le nombre d’exclus du chômage représente un tiers des personnes qui bénéficient du revenu d’intégration sociale (RIS). Les chiffres du chômage semblent s’améliorer, mais en fait, ils sont trompeurs. Selon la fédération des CPAS, on déplace le problème du fédéral qui assure le suivi des chômeurs vers les niveaux communal et régional, dont dépend le financement des centres publics d’action sociale. “ Les sanctions ’chômage’, c’est une régionalisation de la sécurité sociale qui ne dit pas son nom, c’est pervers ”, a même confié un président de CPAS à l’auteur de l’étude 2012 baptisée “ les sanctions Onem, le coût pour les CPAS ”. Dans sa réponse au député écolo, le ministre régional des pouvoirs locaux a d’ailleurs botté en touche vers le fédéral.

Dans sa question, le parlementaire mouscronnois estime encore que la nature du travail des travailleurs sociaux a changé : ils ont de moins de moins de temps pour s’occuper du public-cible des CPAS, les personnes les plus précarisées. Ce que m’a confirmé un responsable du CPAS de Mouscron. C’est d’autant plus vrai que les moyens financiers n’ont pas suivi ce flux de plus en plus important d’exclus du chômage depuis 2004.

Un autre élément m’a frappé : les raisons de l’exclusion du chômage. Certes il y a des personnes qui sont exclues de l’Onem parce qu’elles ont triché ou abusé (travail au noir, fausses déclarations, etc), mais contrairement à une idée reçue, c’est une minorité. Les travailleurs sociaux des CPAS se sont rendu compte que la plupart des exclus ne comprenaient pas ce que leur demandaient l’Onem (suivi des chômeurs) et/ou le Forem (accompagnement des chômeurs), deux institutions dont ils ont beaucoup de mal à faire la distinction d’ailleurs. 80% des exclus du chômage n’ont pas leur diplôme d’étude secondaire supérieur, relève l’étude.

Tout cela me fait dire que le problème n’est ni l’Onem, ni le CPAS, mais bien l’éducation, l’enseignement qui mériterait bien un état des lieux complet et pas seulement une comparaison européenne, les fameux test PISA qui relèguent le plus souvent les petits Belges francophones au fond de la classe. La panacée, l’éducation? On pose souvent la question avec une pointe d’ironie, voire de mépris, mais je crois qu’elle est bel et bien la réponse aux problèmes actuels.

« Si tu ne travailles pas bien »…

Plus de vingt ans que j’exerce ce métier. Et vingt ans que j’entends le même discours : il faut valoriser les métiers manuels. Les métiers en col bleu, comme on me disait lors de mon premier reportage sur le sujet. La ministre de l’Enseignement Marie-Dominique Simonet vient de lancer un plan de revalorisation de l’enseignement professionnel devenu hélas un fourre-tout. Sans doute vaut-il mieux tard que jamais, mais il est temps, grand temps. Cela me fait toujours de la peine lorsque j’entends des patrons du secteur de la construction et de l’horeca me confier leurs difficultés à trouver un ouvrier ou un employé qualifié, capable de se lever à l’heure, de respecter les horaires, d’être poli avec son employeur, d’être propre sur soi… alors que le taux de chômage flirte avec les 15% en Wallonie picarde.

Mais il y a de l’espoir quand je constate comment travaillent certaines écoles, comme l’institut le Tremplin à Mouscron, à qui Nord Eclair consacre une page complète dans son édition de vendredi. Le directeur Vincent Dumont ne stigmatise pas les jeunes. Il les plaint plutôt : « Cela ne doit pas être facile d’avoir 14 ans en 2012… Les ados sont bombardés de messages qui ne sont pas forcément ceux de l’école: on leur parle de loisirs, on leur montre des gens qui tapent dans un ballon et gagnent en 6 mois ce que la plupart des gens ne gagnent pas en une vie, alors que l’école leur dit: « sois présent, concentré, travaille… » Mais surtout, il les encourage avec toute son équipe éducative. « Un motivation, cela se construit », répète le directeur. Dans une autre école, le collège Saint-Henri, les enseignants y travaillent en binôme, par exemple: un ancien et un plus jeune, ce qui permet un meilleur suivi des élèves. Cela bouge, cela évolue.

Dans vingt ans, j’espère ne plus jamais entendre « si tu ne travailles pas bien, tu finiras en professionnel »…

En plein dans le Mille

NM-tremp.JPGMontée de l’extrême droite en France, entrée d’un parti ouvertement nazi au parlement de Grèce, marche fasciste en Hongrie, etc. Cela a suscité, partout en Europe, de grandes analyses politiques, des indignations enflammées et des éditoriaux bien sentis. Le 5 mai est parti de la gare de Bruxelles « le train des Mille » avec à son bord 700 jeunes Belges,  parmi lesquels 22 Mouscronnois de l’institut le Tremplin, une école professionnelle secondaire spécialisée. Destination: Auschwitz. Objectif: rendre hommage aux victimes déportées dans les camps d’extermination nazie. Ils sont rentrés jeudi.

Et ce lundi, je rencontrais quatre des 22 Mouscronnois, âgés de 18 à 19 ans. Pas de grands intellectuels, ni des enfants de bourgeois bohèmes, ni de jeunes gauchistes purs et durs. Mais des élèves modestes, dont le parcours scolaire n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. De futurs horticulteurs, peintres, commis de cuisine ou maçons. Aux mots simples mais directs. Ils sont revenus profondément touchés. « On est sans mot, on ne peut pas parler, on ne comprend pas », confie Donovan. « Je ne m’attendais pas à un tel choc », reprend Remy. Laura a dû retenir ses larmes devant l’amoncellement des chaussures d’enfants dans un hangar de la mort. Anna a été impressionnée par l’immensité de la porte d’entrée d’Auschwitz II. Leurs professeurs les ont aidés à mettre des mots sur les maux. La préparation du voyage a duré un an. Ils ont échangé, lu, vu des films, des documentaires.

Sur la route du retour, Abdel, un étudiant de confession musulmane, a pris spontanément le micro pour inviter ses camarades à faire attention lorsqu’ils seront amenés à voter. Cela vaut pour moi toutes les grandes analyses politiques, toutes les indignations enflammées et tous les éditoriaux bien sentis.

L’en… vert de Mouscron

NM-senti.JPGMouscron, à la première impression, ce n’est pas folichon : des petites maisons ouvrières blotties les unes contre les autres, deux autoroutes qui encadrent un paysage grisâtre, reliées par une route Express qui ne porte pas toujours bien son nom,  des zones industrielles aux effluves suspectes. Il y a certes l’hôtel de ville néo-gothique, de rouge vêtue, mais elle est comme un grain de beauté sur le visage d’une jeune fille un peu terne. Il y a encore le parc communal, mais il a l’air de se cacher, un peu honteux, au creux d’une pente qui mène vers la France. Lorsque j’ai appris que la Ville était dotée d’une cellule environnement, cela m’a fait l’effet d’une paire de skis sur une plage de sable fin. Cela m’a semblé extravagant, presque déplacé.

Erreur. Double erreur. Tout d’abord, une ville comme Mouscron est bel et bien comme une jeune fille un peu terne, mais qui mérite qu’on s’y attarde : elle ne se juge pas à la première impression, au premier regard. Ensuite, la cellule environnement fait un travail remarquable, pareil à celui d’une maquilleuse qui a l’art de mettre en valeur les beautés cachées et insoupçonnées. J’en ai encore eu un aperçu, ce lundi, après la découverte de trois sentiers qu’elle a réaménagés dans la perspective de « Cap Nature », une fête qui se tient ce samedi 12 mai, entre 14h et 18h. Le carré vert de la cité des Hurlus ne se limite pas à l’herbe du terrain de football du stade du Canonnier, c’est aussi des chemins bucoliques au Bois Fichaux, à Herseaux et à Dottignies. Tantôt une rangée de saules têtards, tantôt une ferme à hirondelles. Ici un sentier à insectes, là un passage sur caillebotis. Que des jolies surprises.

C’est l’en… vert de Mouscron.

L’article  sur Cap Nature est paru, avec les informations pratiques, dans l’édition de Nord Eclair du mardi 8 mai. Contact: cellule environnement de Mouscron.

Monsieur Propre

Mes collègues de Nord Eclair France ont consacré un article à un citoyen de Tourcoing qui a créé un blog pour dénoncer la malpropreté dans le quartier de la Gare de sa ville. Il parcourt les rues, son appareil photo en bandoulière, et immortalise tags, sacs poubelles éventrés, déchets abandonnés, etc. Il ne s’en prend pas à la municipalité, dont il reconnaît les efforts, mais il décrit son exaspération. Je peux le comprendre: c’est là que naît le premier sentiment d’insécurité. Le Tourquennois qui, selon l’expression de mon collègue, ne râle pas pour le plaisir de râler, réfléchit à des solutions qu’on pourrait aller chercher du côté de la Belgique, dit-il. Il ne les décrit pas dans l’article, mais je suis curieux de les connaître car j’ai le sentiment qu’en matière de propreté dans les rues, Mouscron et Tournai ne sont pas mieux loties que leurs villes voisines du Nord. Je ne compte plus le nombre de canettes dans les fossés lorsque je parcours, avec mon chien, la campagne tournaisienne. La lutte contre les incivilités a été renforcée, notamment à travers les amendes administratives, mais elle tarde à révéler ses effets, du moins visuellement. Comme ce citoyen français, je ne blâmerai pas les communes. J’en appellerai au sens civique de tous et toutes, mais hélas, le mot « civisme » est considéré aujourd’hui comme un gros mot. A Mouscron, il y a quelques mois, un agent d’entretien me confiait se faire insulter régulièrement lorsqu’il passe dans les rues avec son aspirateur à déchets. On jette même devant ses pieds les détritus avec, dans les yeux, un air de défi. « C’est ton boulot de les ramasser », lui dit-on s’il fait mine de réagir.

Détail non sans importance: le Monsieur Propre de Tourcoing a écrit à la Ville, n’a pas reçu de réponse, mais les rues qu’il dénonçait dans sa missive ont été nettoyées le lendemain. Mais les services de propreté auraient pu repasser le surlendemain, car elles ne sont pas restées nettes très longtemps.