Je vous livre ici le commentaire que j’ai écrit dans l’édition mouscronnoise de Nord Eclair du 20 octobre et qui accompagnait l’annonce d’une manifestation anti-réfugiés prévue le samedi 7 novembre à Mouscron. J’estimais qu’il ne fallait pas vilipender ceux qui voulaient exprimer leur crainte face à un nombre important de personnes qu’ils ne connaissent pas et à propos desquelles circulent des préjugés tenaces. Mais c’était compter sans « les tisonniers de la haine », comme je les appelle. Depuis, l’organisatrice s’est en effet retirée de l’événement parce qu’elle a peur des débordements racistes, voire de la violence, après avoir lu les commentaires sur la page qu’elle avait créée pour préparer la manif. C’est affligeant, et c’est plus qu’un euphémisme. Moi-même j’essaie d’intervenir sur cette page pour informer, rectifier et démonter les rumeurs, sans me moquer de l’orthographe, mais en vain : je me fais plutôt allumer. Cela prouve aussi que le chantier reste énorme en matière d’éducation. Une consolation, malgré tout : est né depuis un mouvement solidaire baptisé « Mouscron réfugiés solidaires ». Les Mouscronnois ne sont pas tous extrémistes…
Gare aux simplismes. Les réfugiés que Mouscron va accueillir ne sont pas tous de dangereux terroristes musulmans, mais des hommes, des femmes et des enfants qui fuient l’horreur de la guerre et qui courent derrière l’espoir d’une vie meilleure. Et les Mouscronnois qui prendront part à la manifestation contre leur arrivée le samedi 7 novembre ne sont pas tous de dangereux extrémistes de droite, même s’il faut continuer à se méfier des tentatives de récupération par les tisonniers de la haine. «Nous ne sommes pas contre les réfugiés, mais contre leur nombre trop important pour une ville comme Mouscron», assurent beaucoup d’entre eux. «100 et pas 600», dit même un slogan.La détresse des réfugiés mérite d’être écoutée, mais la crainte, justifiée ou non, des manifestants de la cité des Hurlus mérite aussi d’être entendue. Leur reprocher leur manque d’humanité et de culture ou se moquer de leur orthographe, comme on peut le lire sur les réseaux sociaux, ne changera pas l’image, très souvent déformée par l’ignorance, qu’ils ont des migrants. Leur crainte est aussi révélatrice d’une certaine détresse sociale. et économique.
«Nous en avons ras-le-bol de ne pas être entendus par le Gouvernement. La question des réfugiés est la goutte d’eau…», nous a confié l’organisatrice de la manifestation. Il faudra surtout faire œuvre de pédagogie: échanger, expliquer, communiquer, rencontrer, convaincre, expliquer encore, et encore. Expliquer, par exemple, que les réfugiés ne peuvent pas être les boucs émissaires de la crise que nous traversons. C’est pourquoi on se réjouit de l’initiative de l’association Éco-vie qui propose d’organiser une grande soirée d’information, de préparer des tables de conversation avec les réfugiés, d’impliquer les écoles pour parrainer des enfants et de mettre en avant les bonnes volontés. On a toujours moins peur de ce qu’on connaît. À Tournai, c’est le travail de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés qui a permis de faire en sorte que l’accueil des migrants à la caserne Saint-Jean se fasse mieux qu’annoncé sur les réseaux sociaux.Échanger, expliquer, communiquer, rencontrer, convaincre, expliquer encore. Et agir. Cela peut paraître naïf ou faire bisounours, comme on dit aujourd’hui. Mais on n’a à ce jour rien trouvé de mieux pour lutter contre la peur, l’ignorance et la haine.
Paru dans l’édition du 20 octobre de Nord Eclair (édition mouscronnoise).