Au revoir Nord Eclair et merci

C’est avec un énorme pincement au cœur que je vous annonce mon départ de Nord Éclair. C’est une page de 30 ans de ma vie qui se tourne. Pour plusieurs raisons, je ne m’étendrai pas sur la décision de la direction de Sudinfo de se séparer des anciens pour privilégier les « web native », selon l’expression entendue. Tout d’abord je n’ai pas pour habitude de cracher dans la soupe. Nord Éclair (sous le groupe Hersant, puis sous Rossel depuis 2004) m’a permis de fonder une famille et de lui permettre de vivre plutôt confortablement; c’est inestimable. Puis je suis plutôt de nature positive avec la volonté d’aller de l’avant; je préfère retenir tous les souvenirs agréables. Et ils furent très nombreux au cours de ces trois décennies. J’ai pu rencontrer des gens formidables et leur permettre, grâce au journal, d’être un peu dans la lumière. Enfin et surtout, je pense à mes collègues qui restent. Écorner l’image de Nord Éclair leur serait préjudiciable. Puis j’aime trop ce journal qui était celui de mes parents. Dans la boulangerie familiale, je vois encore mon père étendre « el gazette », comme il disait, sur sa table de travail pour prendre connaissance des dernières nouvelles de notre région. Son premier réflexe était d’aller chercher le Nord Éclair qui tombait très tôt dans la boîte aux lettres grâce aux porteurs, des gens précieux à qui le journal doit sa spécificité.

Nord Eclair apporte un regard différent sur notre belle Wallonie picarde

Nord Éclair mérite de continuer à vivre, car il apporte un regard différent sur notre belle Wallonie picarde. Il a toute sa place à côté de l’Avenir/la Dernière heure et la télévision régionale No Télé. C’est un plus incontestable pour la vivacité de notre démocratie locale. C’est pourquoi j’espère sincèrement que la direction ne se trompe pas dans ses choix. Achetez-le de temps en temps, voire abonnez-vous, chers lecteurs, chers amis; il est même possible aujourd’hui d’acheter l’article qui vous intéresse à la pièce. C’est uniquement comme ça que Nord Éclair pourra continuer à vivre.

Je veux aussi remercier toutes celles et tous ceux qui gravitent autour du milieu du journalisme et que j’ai côtoyés pratiquement quotidiennement : attaché(e)s de presse, animateurs et animatrices socio-culturel(le)s, responsables d’institutions publiques, etc. Mais aussi femmes et hommes politiques qui s’investissent pour le bien public et qui sont en très grande majorité des gens biens. En écrivant cela, je vais à contre-courant de ce qui dit dans l’opinion publique, mais je le pense sincèrement, même si, à l’image de la société, elles et ils ne sont pas tous des saints et des saintes. S’il y a bien une leçon que j’ai retenue de ces trente années de métier, c’est de se méfier des « yaka », des « yakapas » et des « il faudrait que », qui se sont multipliés comme des virus depuis l’avènement des réseaux sociaux. J’aurai toujours du respect pour les gens qui s’investissent dans la société, quelles que soient leurs opinions (à l’exception des extrêmes évidemment).

Je ne vais pas citer les noms de tous mes collègues actuels et passés par crainte, grand distrait que je suis, d’en oublier un. Mais sachez, chères et chers collègues, que je vous aime toutes et tous avec vos innombrables qualités et vos petits défauts. Et encore pardon à celles et ceux que j’ai pu offenser dans un moment d’énervement. Je veux remercier deux personnes en particulier car elles m’ont permis d’exercer ce formidable métier. Luc Parret tout d’abord qui fut mon premier chef d’édition et dont j’ai toujours admiré la plume, surtout sous son pseudo Eleph, et l’investissement dans le travail. Il m’a permis de mettre le pied à l’étrier en encourageant la direction de l’époque à m’engager. Les mies de pain dans sa barbe sont un peu ma Madeleine de Proust; il comprendra. Et je m’en veux toujours d’avoir oublié de l’inviter à mon mariage; un grand distrait, disais-je. La deuxième personne est Jean-Pierre De Rouck. Si Luc m’a mis le pied à l’étrier, Jean-Pierre m’a permis d’enfourcher le cheval Nord Éclair en finalisant mon engagement puis en me nommant chef d’édition à Mouscron, à la tête d’une chouette petite équipe. Ce furent de très belles années, riches et passionnantes.

J’ai aussi une pensée pour toutes les personnes disparues : Freddy Gaspardo, Bernard Mariaule, Daniel Van Doorne, Romain Deldaele, Jean Dupont, Noël Vandenbussche, Odon Boucq, Marc Jacob, Alphonse Verlinden, Robert Havrin, Sacha Leclercq, Andre Losfeld, Gérard Eloi… Des journalistes et des correspondants mais aussi de sacrées personnalités qui hélas se font de plus en plus rares dans le milieu de la presse.

« Mon premier souhait est de transmettre ce que j’ai pu apprendre, mon expérience »

Je ne sais pas encore ce que je vais faire. Tout d’abord souffler quelques semaines, afin de faire le bilan. Je suis ouvert à toutes les opportunités, mais mon premier souhait est de pouvoir travailler dans l’enseignement, transmettre ce que j’ai pu apprendre auprès des gens rencontrés au cours de ces trente dernières années. Avec ma licence en communication et celle en psychologie et sciences de l’éducation, je peux enseigner le français, la psychologie, la communication, l’éducation sociale… J’ai déjà la chance d’avoir une belle collaboration avec la Helha de Tournai. J’espère aussi pouvoir garder un lien avec l’écriture à travers la collaboration avec un média, quel qu’il soit. C’est sans doute cela qui va me manquer le plus après les apéros avec mes collègues: le plaisir de noircir avec des mots une page blanche (un carton, dans le jargon) et de donner vie à l’actualité à travers un texte. Je ne cache pas un peu d’angoisse: aurais-je encore la force, à l’âge de 56 ans, de m’investir dans un autre projet? Vais-je trouver un autre travail, tout simplement? Je reste optimiste et plein d’espoir cependant. Et je suis ouvert à toute suggestion.

Le métier de journaliste reste passionnant. Indispensable aussi à l’heure des fake news. On ne s’improvise pas journaliste contrairement à ce que peuvent penser beaucoup de trolls sur les réseaux sociaux qui croient obtenir et détenir la vérité au bout de trois clics. C’est un métier qui exige du temps et des moyens humains. Et par conséquent de l’argent. Pour répondre à quatre exigences: vérifier, recouper, expliquer et contextualiser. C’est uniquement de cette façon, à mon humble avis, qu’on pourra se différencier des réseaux sociaux, derrière lesquels la presse a trop tendance à courir, et reconquérir la confiance du public. J’ai toujours personnellement essayé de faire ce métier avec honnêteté, passion et sincérité. J’espère modestement y être parvenu.

Voilà, mon contrat prend fin ce 1er avril, et ce n’est pas un poisson. Je reviendrai à travers ce blog sur les moments intenses que j’ai pu vivre grâce au journal, sur la manière dont j’ai vécu ce formidable métier, sur ma conception du journalisme, sur mes plus belles rencontres, sur mes anecdotes, etc. Ce sera une façon pour moi de prendre congé doucement avec le journal, avec mon journal.

En attendant, longue vie à Nord Éclair!

Merci au prof du « cours d’esthétique »

Ce dimanche, un jour de tempête, je suis allé visiter le musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut à Villeneuve d’Ascq. C’est la première fois que je m’y rendais alors que le LaM – c’est son diminutif – est à vingt minutes de voiture à peine de Tournai. Marie-Christine tenait absolument à voir l’exposition exceptionnelle consacrée à Paul Klee. Le peintre allemand n’est pas tellement ma tasse de thé, mais la visite a suscité chez moi une pensée et une réflexion.

L’exposition consacrée à Paul Klee a attiré de très nombreux visiteurs.

Une pensée tout d’abord. Une pensée pour un professeur que j’ai connu lors de mes humanités à l’Institut Saint-Charles de Péruwelz. Ignace Mariage consacrait une heure de son cours de français à l’étude de l’art. Le cours d’esthétique, disait-on à l’époque. C’était tous les vendredis dans la seule pièce de l’école munie d’un projecteur de diapositives. Certes parfois je m’assoupissais parce que c’était la fin de la semaine, mais si aujourd’hui, je peux distinguer un peintre cubiste d’un impressionniste, une colonne ionique d’une colonne dorique ou encore un Picasso d’un Modigliani, c’est grâce au cours d’esthétique. Ignace Mariage a initié des générations d’étudiants à l’art sans jamais porter de jugement de valeur. Et si encore aujourd’hui, je pousse la porte d’un musée avec l’esprit en éveil, c’est grâce à ce professeur passionné qui a parcouru le monde entier, appareil photo en bandoulière, pour partager son amour pour l’art.

Paul Klee, c’est surtout forme et couleur.

Ma réflexion porte, elle, sur le projet de rénovation et d’extension du musée des Beaux-Arts de Tournai auquel j’ai consacré un article pour Nord Eclair. Il est temps que ce formidable écrin créé par Victor Horta retrouve tout l’éclat qu’il mérite. Des expositions comme celle que le Lam consacre à Paul Klee auront évidemment toute leur place dans un musée remis aux normes internationales.

C’était jour de tempête, ce dimanche, avec un temps à ne pas mettre un canard dehors, mais le musée de Villeneuve-d’Ascq, pourtant à l’écart de Lille, était rempli de visiteurs au point qu’on se marchait un peu sur les pieds. Tournai mérite d’être aussi attractive. Je suis impatient de découvrir le musée des Beaux-Arts new look avec sa partie contemporaine que mon ancien professeur de français n’aurait ni jugée, ni reniée.

L’exposition est intitulée « entre-mondes ».

Le cycle de la vie

Samedi 16 octobre 2021. Jour et nuit. Blanc et noir. Lumière et ténèbres.

Deux moments.

Tout d’abord la joie. Le mariage d’un neveu. Au nord-est de Paris, dans un beau prieuré. Les sourires, les rires. Les souvenirs de l’enfance, de l’adolescence, si proches, si loin. Des larmes aussi, de bonheur. L’émotion des parents et d’une sœur aux jolis mots. L’amour au grand jour, éclatant, évident. Une autre bonne nouvelle: un autre neveu, bientôt papa. Le week-end parfait.
L’amour, la naissance en ce jour.
Le cycle de la vie, dans ce qu’elle a de plus beau.

La tristesse ensuite. Retour de Paris. Coup de fil en soirée. Le décès d’une tante, dans une autre partie de la famille. 25 ans de lutte contre ce fichu crabe. Le chagrin, les larmes. Des souvenirs aussi. Les parties de foot avec les cousins dans le jardin de la ferme familiale. Les séances de cache-cache entre les ballots de paille. La bienveillance de mon oncle et de ma tante. Souvenirs d’enfance, tendres et précieux.
Mais le deuil en ce jour.
Le cycle de la vie, dans ce qu’elle a de plus cruel.

Un jour, deux moments.

Il y a cinq ans, jour pour jour, Papa, Papy nous quittait, emporté par la maladie

Cela fait cinq ans aujourd’hui, jour pour jour, que Papa, Papy nous a quittés, emporté par la maladie. Cinq ans déjà. Son absence nous pèse toujours autant, mais la douleur du chagrin a laissé place à des souvenirs plus doux, aux souvenirs des bons moments passés tous ensemble. Il nous a laissé un bel héritage affectif. Il n’avait pas toujours un caractère facile, mais il était capable de s’émerveiller pour de petites choses : le retour du printemps dans le jardin, le chant des oiseaux le matin ou un beau concert de musique, celui du nouvel an viennois par exemple, qu’il n’aurait manqué sous aucun prétexte. Boulanger, il n’avait pas peur du travail, mais il aimait aussi rigoler, bien manger, boire un verre, danser, s’amuser tout simplement.

J’aurais tellement voulu qu’il soit là pour l’obtention du diplôme de Droit de Valentine, pour son séjour au Canada et pour sa spécialisation aux Pays-Bas, lui qui aimait ce qui était « juste » ; pour l’entrée à l’université de Maxime qui a choisi la géographie, lui qui était curieux du monde ; pour la spécialisation en Histoire de Thomas, lui qui aimait se plonger dans les livres d’histoire, surtout ceux consacrés aux deux dernières guerres mondiales ; pour la confirmation de la réussite professionnelle d’Ornella comme esthéticienne, lui qui aimait porter beau. Il aurait été fier de ses petits-enfants, je crois, sans le crier sur tous les toits. Il n’avait fait que ses « moyennes » comme il disait, mais il s’intéressait à beaucoup de choses. Il nous a légué son esprit de curiosité, je pense.

Il avait à peine 22 ans lorsque je suis né.

Il s’est passé tellement de choses en cinq ans. C’est à la fois long et court. Lors d’une balade à la côte belge en famille, quelques années avant son décès, il avait eu cette réflexion qui m’a marqué. Il se souvenait de la première fois qu’il avait vu la mer, gamin, et il nous avait dit : « on se retourne et toute une vie est passée ».

Cinq ans déjà. Le temps file. L’anniversaire de la disparition de papa, de papy, nous ramène à l’essentiel de l’existence : l’amour de ses proches, les bons moments passés en famille ou avec des amis autour d’un repas, d’un verre ou au cours d’une balade ; le reste est accessoire finalement, comme le rappelle encore cruellement la crise sanitaire que nous traversons.

Avec maman, lors d’une fête avec des amis.
Avec ses deux sœurs et son frère. Il ne reste plus que Marie-Jeanne aujourd’hui, ma tante Nounou. René et Bernadette ont rejoint Papa.

« On se retourne et toute une vie est passée »

Et Papa à la boulangerie qui a été toute sa vie.

A quoi ça sert la culture, nom d’un chien?

En Flandre, le gouvernement présidé par le N-VA Jan Jambon a décidé de supprimer jusqu’à 60% des subsides alloués à la culture et au patrimoine. Ce n’est pas propre à la Flandre, car la culture est souvent le premier secteur qui trinque lorsqu’il s’agit de faire des économies d’échelle.

Mais finalement à quoi ça sert la culture, l’art sous toutes ses formes? J’ai eu la réponse il y a quelques semaines juste en face de mon bureau à Nord Éclair sur la Grand-Place de Tournai. Un jeune Roumain avait sculpté, dans le tas de sable qu’il transportait avec lui, un chien. Un chien plus vrai que nature au point que mes collègues et moi avons cru de notre fenêtre qu’il s’agissait d’un véritable animal en chair et en os destiné à apitoyer les passants pour une petite pièce.

Les passants s’arrêtaient bien pour une petite pièce, mais en plus ils l’assaillaient de questions : d’où venait-il ? Où avait-il appris à sculpter? N’était-il que de passage? Où dormait-il? Savait-il sculpter autre chose que des chiens? Le Roumain répondait en fronçant les sourcils. Il ne maîtrisait ni le français, ni l’anglais. Moi-même j’ai tenté d’en savoir plus pour un article dans le journal. Un passant italien a tenté de m’aider, l’italien et le roumain étant relativement proches, mais en vain…

Il n’est resté qu’une journée mais quel succès.

Je crois que le jeune SDF ne voulait pas trop en dire. Cela ne l’a pas empêché d’avoir un sacré succès si on en juge le petit récipient noir qui, devant son oeuvre éphémère, se remplissait à vue d’œil de petites pièces et même de quelques billets. Dès qu’il avait suffisamment d’argent, il se précipitait à la boulangerie du coin pour un sandwich, une couque au chocolat ou un café chaud. Le boulanger était tellement séduit par son talent qu’il refusait de se faire payer.

Avec son chien de sable, le jeune Roumain a récolté bien plus de bienveillance que tous les SDF de la Grand-Place réunis. Car hélas, les Tournaisiens – mais cela ne leur est pas propre – ne font pas toujours preuve de beaucoup d’indulgence à l’égard des mendiants et des sans-abris, de plus en plus nombreux ces dernières années sur le forum de la cité.

Avec son chien de sable, le jeune Roumain a réussi à capter l’attention, à susciter l’enthousiasme, à faire parler les passants entre eux, à faire renoncer un commerçant à son dû, à provoquer des sourires, à faire oublier qu’il était un étranger…

Alors, ça sert à quoi la culture? Ça sert à quoi l’art, nom d’un chien? A apaiser les hommes et les âmes. Et ça n’a pas de prix…

Le mur de Berlin, mon mur des lamentations

Depuis, ma fille Valentine s’est rendue à Berlin. Moi pas encore. C’est elle qui a photographié ce qui reste aujourd’hui du mur.

Il y a 30 ans jour pour jour tombait le mur de Berlin. En 1989, je commençais mes études en communication et en journalisme après avoir bouclé celles de psycho. Je me souviens de l’engouement de la fac. Un moment historique. Un tournant dans l’histoire du XXème siècle. Quelques copains n’ont fait ni une ni deux. Ils ont embarqué dans une voiture avec quelques de vêtements de rechange et des sacs de couchage. Direction : Berlin. Pour vivre l’événement en direct. Pour saluer les jeunes venus de l’Est. Pour faire la fête, tout simplement. « Tu viens? » Je vois encore mon camarade de fac, la porte de la voiture entrouverte, m’inviter à prendre place à côté des autres. J’ai hésité, longuement. J’ai finalement refusé. A cause d’un travail à rendre, si je me souviens bien. Et d’une petite copine dont je ne voulais pas trop m’éloigner et qui a fini par me quitter un peu plus tard. Je m’en suis mordu les doigts. Je m’en suis voulu de ne pas avoir vécu cet instant historique dont je n’avais peut-être pas bien saisi toute la portée à l’époque. Aujourd’hui encore, je regrette.

« La pierre survit toujours à celui qui la cisèle, toujours à celui qui l’oublie.”

Didier le Pêcheur (les hommes immobiles)

Mes copains ont été sympas. Ils m’ont ramené un bout du mur. Un petit morceau qui devait faire 10 cm tout au plus et peser quelques grammes. Blanc et gris. Du béton. Du bête béton décomposé mais qui avait une valeur historique inestimable. Lorsque le week-end, je suis rentré à la maison, j’ai présenté mon bout de mur d’un air triomphant à mes parents. « Vous vous rendez compte ? Un morceau du mur de Berlin! » C’est à peu près les propos que j’ai dû leur tenir. Ils m’ont regardé, l’air de dire « hé alors, ce n’est qu’un morceau de gravats, un vulgaire caillou, du béton quoi » avant de reprendre leurs activités à la boulangerie familiale.

Mon morceau de béton, je l’ai déposé précieusement sur le buffet de la salle à manger. Son heure de gloire arrivera bien à un moment ou à un autre, me disais-je, mais en attendant, je l’ai bien mis en évidence, histoire que tout le monde voit ce bout… d’Histoire. Le week-end suivant, après une nouvelle semaine néo-louvaniste, je reviens à la maison. Je regarde le buffet. Plus de caillou, plus de morceau de béton, plus de bout d’histoire. Disparu, volatilisé. Mes parents : « ah, on ne sait pas ». Enquête menée, c’est la femme de ménage qui de passage en semaine a jeté mon bout d’Histoire à la poubelle. « Ah, j’ai cru qu’il s’agissait d’un morceau de pierre que quelqu’un avait ramassé dehors dans la cour et placé là en attendant ». Telles ont été à peu près ses explications. Je ne vous dis ma tête. Et ma déception. Je ne lui ai pas jeté… la pierre. Ni à elle, ni à mes parents d’ailleurs. Peut-être aurais-je dû être plus explicatif, plus disert, plus didactique. Ou, plus simplement, laisser le morceau du mur dans ma chambre à la maison ou dans mon kot à Louvain-La-Neuve.

“Les regrets éternels n’existent que sur la pierre.”

Tristan May, poète français

Je râle encore aujourd’hui. Les bouts de mur de Berlin s’échangent sur internet, même si je suis convaincu que je n’aurais pas revendu mon petit bout d’Histoire. Mais j’essaie de prendre les choses avec philosophie. De méditer sur la valeur qu’on peut donner aux objets. Ici, en l’occurrence, un vulgaire caillou pour mes parents et leur femme de ménage de l’époque. Et une pièce inestimable de l’histoire contemporaine pour l’étudiant que j’étais. C’est autant valable pour l’art que pour mon morceau de béton, je pense. Tout dépend du sens qu’on leur donne, que l’être humain leur donne. Trêve de philosophie. Je m’égare sans doute. Quoique, si je peux apporter ma petite pierre…

L’herbe est plus verte qu’autrefois…

Je me suis rendu mercredi matin à la conférence de presse qui présente le salon professionnel de l’autonomie fourragère prévu le 17 septembre prochain à Thieulain (Leuze-en-Hainaut). Cela m’intéressait à double titre : tout d’abord je suis sensible à la cause environnementale et ensuite je suis petit-fils d’agriculteur du côté de ma maman.  L’objectif du salon est de réapprendre aux professionnels de l’agriculture à ré-apprivoiser ou plus exactement à valoriser l’herbe pour les rendre plus autonomes dans le nourrissage de leurs animaux. Car, mais oui, les vaches sont des ruminants qui mangent de l’herbe! On l’avait presque oublié depuis qu’on les nourrit essentiellement au soja, un produit certes agricole mais qui vient le plus souvent de pays lointains comme le Brésil devenu écologiquement irresponsable. Il y a quelques années, on les avait même nourris avec des farines animales au point de rendre ces pauvres bêtes folles.

C11A3929 (2)
Hé oui, je suis un ruminant. Je mange de l’herbe, étonnant, non?

Il faut donc aujourd’hui un salon pour rappeler aux paysans toutes les vertus de l’herbe. S’il vivait encore, mon grand-père aurait enlevé sa casquette, se serait gratté la tête en se demandant, un petit sourire en coin, si le monde n’est pas devenu fou… Il se serait sans doute esclaffé en entendant la question d’un petit garçon à un fermier lors d’une visite scolaire à la ferme que j’ai couverte il y a quelques mois  dans le cadre d’un autre reportage : « est-ce que les vaches mangent des chats? » Le gamin n’était pourtant pas un petit citadin, mais bien un petit gars de notre région semi-rurale.

Tous les produits de la terre devraient être naturellement bio…

Loin de moi l’idée de tourner en dérision le salon de l’autonomie fourragère, car les objectifs des organisateurs sont louables: inscrire l’agriculture dans le développement durable, lui faire quitter les sillons de l’industrie agro-alimentaire qui ont fait des paysans des esclaves de la terre. J’ai de l’admiration pour le couple d’agriculteurs qui accueille le salon sur ses terres: un physicien et une mathématicienne qui ont quitté le monde de l’enseignement et de la recherche pour cultiver la terre. Ils veulent transformer leur exploitation en ferme 100% bio.

Le bio… Voilà un terme qui aurait aussi fait sourire mon grand-père. Tout ce qui est issu de la terre ne devrait-il pas être naturellement bio, du grec « bios » qui signifie la vie? Cela veut-il dire que tout ce qui n’est pas bio n’est pas vraiment vivant? On peut le penser avec tous les produits phytosanitaires de l’agriculture conventionnelle qui ont appauvri, voire empoisonné, les sols. Je me suis toujours dit que la classification des produits agricoles n’était pas vraiment juste. On ne devrait pas faire la distinction entre les produits « bio » et les autres, mais bien entre les produits « agrochimiques » et les autres. Vous imaginez les grandes surfaces avec d’un coté le rayon des produits « agrochimiques » et de l’autre les produits vraiment agricoles c’est-à-dire qui respectent la terre? Les consommateurs auraient vite fait leur choix à mon avis.

Je rêve sans doute. Pourtant, je vous l’assure, je n’ai pas fumé de… l’herbe.

Addio, Felice et grazie, Eddy

La mort de Felice Gimondi m’a touché. Le cycliste italien fait partie des coureurs mythiques de mon enfance. Gimondi l’Italien, Ocana l’Espagnol, Poulidor le Français, Zoetemelk le Hollandais et Merckx, le Belge. Des champions racés, que j’admirais. Evidemment Eddy était mon préféré. Le préféré de mon père aussi. Papa ne jurait que par Merckx. Lorsque nous partions en famille en excursion, un jour de course, il fallait trouver un bistrot avec une télévision pour suivre l’arrivée en direct. Je me souviens de la dernière étape d’un Tour de France suivie depuis un restaurant de la côte belge. J’ai encore dans les yeux les bras levés de toute l’équipe Molteni sur les champs Elysées pour célébrer la victoire finale du « cannibale ». Les équipiers étaient aussi heureux que leur leader. Cela m’avait impressionné.

Merckx, c’était aussi des réunions de famille animées. Avec un oncle français qui ne jurait que par Poulidor et Thévenet, un oncle flamand qui préférait Roger De Vlaeminck à Merckx et papa bien sûr, qui n’avait que Merckx dans la bouche. Il y a des souvenirs heureux comme la victoire d’Eddy au Paris-Roubaix de 1973 où il avait lâché Roger De Vlaeminck à plus de 40 km de l’arrivée. Et d’autres, nettement moins réjouissants comme le Tour de France de 1975 où Bernard Thévenet avait devancé notre champion : le gamin de 10 ans que j’étais avait été pleurer derrière l’atelier de la boulangerie familiale en tapant frénétiquement dans un ballon de foot.

IMG_20190818_0001_NEW
Mon premier col lors d’une balade avec mon père dans les Alpes-de-Haute-Provence. Papa était derrière l’objectif. Ce n’était pas encore l’époque des selfies.

Si papa s’est mis au cyclotourisme, c’est en grande partie, à mon avis, grâce à Eddy Merckx. Il obligeait mon frère et moi à le suivre le dimanche matin après nous avoir réveillés à l’aurore en ouvrant sans délicatesse les rideaux de notre chambre. Une bonne école de vie avec de beaux souvenirs comme notre découverte des Alpes-de-Haute-Provence à vélo lors de vacances familiales à la Motte-du-Caire.  Une fois que Merckx a pris sa retraite, Papa a continué à rouler, mais il n’a plus jeté qu’un œil distrait sur les courses à la télévision. Le roi Eddy est resté mon idole. J’avais même les photos de ses exploits collés sur les fardes de mes cours dans les premières années de mes humanités. Et aujourd’hui encore je garde le virus des balades à vélo.

La disparition de Felice Gimondi me ramène à cette belle époque. J’ose à peine imaginer quelle sera mon émotion lorsque le grand Eddy ne sera plus de ce monde…

 

Si on réunissait toute l’humanité au Grand-Duché de Luxembourg ?

Je me pose parfois des questions étranges lorsque je laisse mon esprit vagabonder dans les transports en commun. Comme dans le métro de Londres, la veille du week-end pascal, il y a quelques mois, entre la gare de Pancras et l’arrêt à Earls court. Nous étions serrés comme des sardines dans le « tube » qui porte admirablement son nom. Je me suis demandé combien d’êtres humains pouvaient tenir debout sur une surface d’un mètre carré.  Trois, quatre, voire cinq, en perdant toute sphère intime.  Sur 1 km², on pourrait  donc placer 3 millions d’individus s’ils étaient trois par mètre carré, la quantité, disons, la plus confortable.

Pour contenir les 7,53  milliards d’hommes et de femmes que comporte et supporte la terre aujourd’hui, une superficie de 2510 km² suffirait donc s’ils se tenaient debout côte à côte. Soit à peu près la surface du Grand-Duché du Luxembourg…

20190418_213045
Je me sentais à l’étroit dans le métro de Londres…

Et si on donnait un peu plus d’air à chacun des habitants de la terre, disons une personne par mètre carré, la population mondiale tiendrait dans 7530 km², soit à peu près la moitié de la Wallonie. Dingue, non ? Certes on se marcherait sur les pieds, mais cela permettrait au reste de la planète de respirer, non ?

Ok, vous avez raison, l’air du métro londonien ne me réussit pas trop…

Sans transition, entre loterie et chocolat

Vu et entendu au JT de la RTBF ce mercredi 24 octobre:

Un Américain a gagné 1 milliard 600 millions de dollars au « Mégamillion », la loterie américaine. Soit 4 avions A 380, 5.500 Ferrari ou 58.000 années de carrière pour un professeur, détaille le journaliste. « Je m’achèterai un avion à réaction », dit une personne interrogée. « Un bateau ou une île », s’enthousiasme une autre.

Séquence suivante. Sans transition.

Fermeture de l’usine de production de chocolat Jacques à Eupen. Plus assez rentable.  Soit 70 personnes à la rue, un siècle d’histoire familiale aux oubliettes et un fleuron de l’industrie belge à la poubelle.

Tiens, 1 milliard 600 millions de dollars, cela fait combien de chocolateries?