Hommage à une cousine disparue, que j’avais perdue de vue

Voici une chronique que j’ai écrite, en mars 2009, en hommage à une cousine disparue dans des circonstances difficiles et que j’avais perdue de vue. J’avais disserté sur le temps qui file. C’était il y a quatre ans, pratiquement jour pour jour, déjà: 

 

« Après un début prometteur, le printemps a revêtu mardi un habit plus sombre. Le ciel m’est paru d’autant plus gris que le retour de la pluie coïncidait avec les funérailles d’une cousine, comme s’il avait voulu marquer la journée du sceau de la tristesse. Je n’avais plus vu Patricia depuis au moins une dizaine d’années.

A l’époque, nous avions échangé quelques mots, avec la promesse de nous revoir, mais le rouleau compresseur de la vie quotidienne en a décidé autrement. Je savais qu’elle avait quatre enfants, mais j’aurais été incapable de décliner le prénom de chacun. C’est fou le nombre d’amis, de cousins, petits ou grands, d’oncles et de tantes, proches ou éloignés, que j’ai envie de revoir, avec l’envie de partager une bonne table, des souvenirs et quelques rires, mais les bonnes intentions sont souvent broyées dans la spirale du temps. Le temps si cruel, si impitoyable. Il file à l’allure d’un cheval lancé au galop, mais il est capable, d’un coup de rein, sans prévenir et sans coup férir, de désarçonner le cavalier le plus aguerri. Le temps, ce temps si cruel, s’est arrêté brutalement mardi, avant de reprendre, imperturbable, sa course folle. Et face au décès d’une femme de 44 ans, nous avions tous la tête de cavaliers hébétés, jetés au bord de la route, dans un fossé dont on ne distingue pas le fond. Nous étions d’autant plus abasourdis que Patricia avait choisi d’arrêter elle-même la course du temps. Nous n’avons pas à juger; le temps est rapide, c’est certain, mais il peut être aussi pesant.

serdu2.jpg

Comme souvent, lorsque les maux martèlent l’âme et le cœur, les mots viennent à la rescousse, redonnent au ciel des couleurs plus vives. Lors des funérailles, le prêtre a trouvé les mots justes. Sans juger. La famille avait choisi de ponctuer la cérémonie de chansons qui embrassaient la vie de Patricia. “ Vole ” de Jean-Jacques Goldman. “ Vole vole mon amour/Puisque le nôtre est trop lourd/ Puisque rien ne te soulage/ Vole à ton dernier voyage/ Lâche tes heures épuisées ”. Ou encore “ Une mère ” de Linda Lemay: “ Une mère,/ Ça fait ce que ça peut,/ ça ne peut pas tout faire,/ Mais ça fait de son mieux. (…)/ C’est vrai, ça crève de fatigue/ Ça danse à tout jamais une éternelle gigue / Ça reste auprès de sa couvée/ Au prix de sa jeunesse, au prix de sa beauté ”.

La carte-souvenir était empreinte des mêmes sentiments, avec un poème de Kahlil Gibran: “ Nous t’avons beaucoup aimé, mais cet amour restait muet, voilé de voiles. Pourtant, à cette heure, il s’écrie à voix forte, voudrait se dresser devant toi, car l’on sait bien que l’amour ignore toujours sa propre profondeur, jusqu’au jour des adieux ”. Sur la photo distribuée à la fin de la cérémonie, je retrouvais la cousine que j’avais connue lorsque nous étions enfants: le même sourire facétieux, avec, dans les yeux, la lueur de celle à qui on ne la fait pas. C’est cette image que je retiendrai d’elle avec le regret, sans doute, de ne pas l’avoir mieux connue.

Le temps s’est arrêté mardi pour Patricia. Définitivement. Même s’il a déjà repris son cours, il sera dorénavant plus lourd à porter pour ses parents, son mari et ses quatre beaux enfants. Son décès, brutal, a surpris ceux qui n’ont pas partagé les derniers moments de son existence, mais il apporte peut-être une leçon de vie: prenons le temps, de temps en temps, de goûter à la vie, d’apprécier les autres, avant que le temps ne nous arrête ou nous emporte. Définitivement.

Publié par

carnet de bord de Daniel Foucart

Journaliste à Nord Eclair belge (Tournai et Mouscron) depuis 1991, passionné par l'actualité vue par le petit bout de la lorgnette. Et à bord : quelques tranches de vie.

Une réflexion sur “Hommage à une cousine disparue, que j’avais perdue de vue”

Les commentaires sont fermés.