Voir Florence et puis mourir…

Je venais de célébrer mes 20 ans. Et c’était mes premières vacances en solitaire. Sans parents, sans amis. Ni scout, ni patro. J’avais pour seule compagnie un sac à dos à armature métallique qui me donnait l’air d’un aventurier américain ou scandinave. Destination: Florence.

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J’avais décidé de visiter seul, pendant trois jours, la capitale de la Toscane avant de rejoindre un groupe d’amis étudiants de Louvain-La-Neuve qui avaient loué un chalet sur une colline de Viareggio le long de la côte Tyrrhénienne. Parmi eux: ma petite amie de l’époque qui éprouvait un amour immodéré pour l’Italie. Je me souviens très précisément de la douce sensation de liberté qui s’est emparée de moi, lorsque j’ai émergé du tunnel qui mène de la gare de Santa Maria Novella aux abords du centre-ville. Le duomo – la cathédrale de Santa Maria del Fiore – est apparu, tout de nacre vêtu, tremblant dans la chaleur estivale. J’aurais pu hurler comme Léonardo Di Caprio à la proue du “ Titanic ”, le film qui fit sa célébrité: “ je suis le roi du monde ”. Diantre, j’étais dans le berceau de la Renaissance, cette époque que m’avaient tant vantée mes professeurs d’histoire. Le berceau de l’humanisme et des plus grands peintres, comme Leonard de Vinci ou Michel-Ange.

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C’était comme si tout un pan de l’histoire de l’humanité m’avait parcouru l’échine. Je ne sentais pas le poids de mon sac à dos en marchant dans les rues de Firenze: tout n’était que légèreté, finesse et élégance. Le Ponte Vecchio qui enjambe l’Arno, le Palais Piti, l’église San Lorenzo, les jardins de Boboli, la Galleria degli Uffizi, etc. Les noms résonnent encore en moi allegretto. J’étais tellement enivré de liberté que je me suis laissé berner par le sourire d’une serveuse dans un restaurant du cœur historique: elle a réussi à me vendre tout le menu touristique, alors que je ne voulais qu’une modeste lasagne. Elle a failli hypothéquer l’avenir financier de mon séjour, mais c’est cela aussi l’Italie: de la séduction et des palabres. Il me fallut tout mon italien de cuisine, et surtout toutes mes mains, pour convaincre le gérant de la pension “ Giovana ”, où j’avais choisi de déposer mon sac à dos, que ma carte d’identité belge n’était pas un faux. Je ne comprends d’ailleurs pas comment je ne me suis pas fait voler toutes mes affaires, car en quittant la pension, il fallait glisser la clef sous le paillasson. Je partageais ma chambre avec un Autrichien, à la courtoisie toute germanique, et deux Québecoises, dont les mots chantaient et les courbes m’enchantaient.

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La soirée dans les rues florentines s’est déroulée comme dans un ballet: je ne marchais pas, je virevoltais; je ne parlais pas, j’inspirais lentement. L’air, chaud, doux, ample, portait sept siècles d’histoire de l’art, du Trecento au Novecento.

Depuis, près d’un quart de siècle s’est écoulé. La petite amie de l’époque est partie, avec un Italien évidemment, mais en me laissant sa passion pour le pays, ce dont je lui suis éternellement reconnaissant. Depuis, je ne suis revenu qu’une seule fois à Florence: lors de mon voyage de noces. Car une telle ville ne peut-être qu’associée à l’amour et à la beauté. Même Venise ne m’a pas procuré de telles sensations. Voir Florence et puis mourir. L’expression, transformée, est un peu forte, mais elle est à la hauteur de l’ivresse de mes 20 ans.

(1) chronique que j’ai écrite dans le Nord Eclair dimanche du 27 juillet 2008 sous le pseudo Vintje. Depuis, je suis retourné à Florence avec Marie-Christine et les enfants (voir les photos). La magie de la Ville ne m’avait pas quitté.

 

Publié par

carnet de bord de Daniel Foucart

Journaliste à Nord Eclair belge (Tournai et Mouscron) depuis 1991, passionné par l'actualité vue par le petit bout de la lorgnette. Et à bord : quelques tranches de vie.