Voilà encore une chronique reprise des « Propos du Dimanche » qui paraissaient dans l’édition dominicale de Nord Éclair. Luc Parret, alias Eleph, était le titulaire de la rubrique, mais je la reprenais en son absence avec d’autres collègues. La chronique que j’ai écrite le 8 février 2009, sous le pseudo Vintje, était consacrée au premier discours d’investiture de Barack Obama, il y a tout juste quatre ans. Il a été réélu depuis. « On attend sans doute beaucoup trop de lui », écrivais-je à l’époque:
« S’il n’y avait qu’un mot à retenir du discours d’investiture de Barack Obama à la présidence des États-Unis, ce serait pour moi “ curiosité ”, un mot que je n’ai pas entendu souvent dans la bouche des hommes politiques. Il est apparu à la fin, lorsque le président a rappelé les défis auxquels les Etats-Unis doivent faire face en cette période de crise. Voici le passage: “ Les défis face à nous sont peut-être nouveaux. Les outils avec lesquels nous les affrontons sont peut-être nouveaux. Mais les valeurs dont notre succès dépend, le travail, l’honnêteté, le courage et le respect des règles, la tolérance et la curiosité, la loyauté et le patriotisme, sont anciennes. Elles sont vraies. Elles ont été la force tranquille du progrès qui a sous-tendu notre histoire. Ce qui est requis, c’est un retour à ces vérités ”.
Un homme qui appelle ses concitoyens à cultiver un esprit curieux ne peut pas être mauvais.
Barack Obama hisse la curiosité, tout comme la tolérance, au même rang que le travail, l’honnêteté, le patriotisme et le courage, des valeurs plus traditionnelles. Cela a achevé de me convaincre sur la qualité de l’homme Obama. Un homme qui appelle ses concitoyens à cultiver un esprit curieux ne peut pas être mauvais. La curiosité n’est jamais un vilain défaut, lorsqu’elle correspond à la première définition qu’en donne le dictionnaire de l’Académie française: “ passion, désir, empressement de voir, d’apprendre des choses nouvelles, intéressantes, rares, etc ”.
C’est sans doute ce qui manquait le plus au prédécesseur de Barack Obama, Georges W. Bush, un homme qui cristallisait à lui seul tous les défauts de l’Amérique: le repli sur soi, le manque d’humilité et le cynisme. S’il avait été plus curieux des choses de ce monde, le Texan se serait peut-être rendu compte que l’humanité ne se divise pas en deux catégories: le bien et le mal. S’il avait été plus curieux, il aurait mieux mesuré l’ampleur de la haine que les Etats-Unis suscitaient à travers le monde. S’il avait été plus curieux, l’ancien président des Etats-Unis aurait peut-être écouté la plupart de ses vieux alliés européens qui lui conseillaient de ne pas attaquer l’Irak. Georges W. était un homme curieux, dans le sens d’étrange ou de bizarre, mais dépourvu de curiosité intellectuelle. On n’ose imaginer ce qu’il serait advenu de l’Amérique si Sarah Palin était devenue vice-présidente, elle qui ne connaissait du monde qu’une base militaire américaine en Allemagne.
“ Qu’est-ce que la vieillesse? C’est d’abord perdre la curiosité ” (Mitterand)
La saine curiosité ne peut être l’apanage que d’un esprit ouvert, empreint d’empathie et d’intéressement à autrui. C’est la curiosité, l’envie de connaître le monde, qui a poussé Erasme sur les routes d’Europe aux XVe et XVIe siècles et qui fit de lui “ le Prince des Humanistes ”. Il fut d’ailleurs un des apôtres de la Renaissance, une période qui mit fin à l’obscurantisme moyenâgeux.
Barack Obama sera-t-il l’Erasme politique du XXIe siècle? On attend sans doute trop de lui, comme on a trop attendu en 1981 d’un certain François Mitterrand, lui qui disait d’ailleurs: “ Qu’est-ce que la vieillesse? C’est d’abord perdre la curiosité ”.
Barack Obama n’a pas encore fait renaître l’Amérique et le monde, mais il a déjà fait naître l’espoir. Et chez moi, un très grand sentiment de curiosité. »
Les carnets d'un journaliste de campagne 
Je vous complimente pour votre éditorial. c’est un vrai boulot d’écriture. Continuez
J’aimeJ’aime