Il y a tribune et tribune. La tribune politique tout d’abord. Elle renvoie à la dernière campagne électorale d’octobre. Et à la prochaine, en mai. Motiver les troupes, attirer l’électeur, attaquer l’adversaire. Promettre surtout. Promesses de lendemains qui chantent, promesses de lendemains qui changent, en cas de victoire. Promesses de victoire ultérieure, promesses de jours meilleurs, en cas de défaite. Promettre sans se compromettre. L’art du tribun.
Puis il y a la tribune à roulettes. Un déambulateur, en bon français. J’ai failli me prendre les pieds dans un de ces engins vendredi matin, sur la Grand-Place de Tournai. La dame aux cheveux blancs qui le poussait et qui me précédait s’est arrêté net devant une banque où mendiait un jeune SDF aux yeux hagards. Elle ne lui a pas donné la petite pièce qu’il attendait, mais elle n’était pas là les mains vides ou plutôt la tribune vide. Dans les paniers du déambulateur, il y avait une paire de chaussures, un anorak et d’autres vêtements entassés dans un sac plastique. « Cela devrait aller pour un grand gaillard comme toi », a dit la dame aux cheveux blancs. Elle avait bravé les pavés déchaussés de la Grand-Place, et les Tournaisiens savent à quel point cela peut être une épreuve, pour aider « ce grand gaillard » qui ne savait pas très bien comment la remercier. Elle n’a pourtant pas l’air de rouler sur l’or, sans mauvais jeu de mots, cette mamie qui a du mal à se déplacer. Elle n’a rien promis, mais elle a donné. Quelques vêtements et un peu de son temps.
Je me suis écarté pour observer discrètement la scène qui m’a réchauffé le cœur avec autant d’intensité que ce soleil qui joue les prolongations en octobre. Ragaillardi, j’ai poursuivi ma route. Puis une réflexion m’est venue, saugrenue peut-être, ingénue sans doute. Quoique. Et si elle était là, la solution à tous les maux de notre société: équiper les tribunes politiques d’une bonne paire de roulettes…