Allo maman bobo, comment tu m’as fait, j’suis bobo…

Allo maman, bobo, chantait Alain Souchon dans les années 80. Allo, maman, bobo, comment tu m’as fait, suis-je bobo? ai-je envie de fredonner aujourd’hui. Avec l’arrivée en Belgique des réfugiés et des migrants, pour lesquels je défends une approche humaine et humaniste, je me suis fait taxer de bobo sur les réseaux sociaux. On me l’avait déjà dit, mais de façon amusante, parce que j’aime écouter Léonard Cohen, Alain Souchon, Francis Cabrel, Renan Luce ou encore Renaud qui figurent, paraît-il, au hit-parade de la bobo attitude. Mais le mot a pris une connotation nettement moins sympathique ces derniers temps. Il est même le plus souvent flanqué d’un qualificatif péjoratif : affreux bobo, bobo naïf, bobo suicidaire ou, pire encore, bobo collabo en raison du soutien aux réfugiés parmi lesquels se cachent, évidemment, de dangereux terroristes. Le « bobo » est passé dans le registre de l’insulte.

Le bobo est bien-pensant. Et forcément il agace

Au départ le vocable était réservé à une certaine intelligentsia parisianiste, héritière de « mai 68 » qui ne jurait que par Jack Lang pour la culture et que par les Inrockuptibles ou Libé pour la lecture. Renaud les a brocardés dans une chanson devenue mythique, intitulée tout simplement « les bobos« ,  tout en reconnaissant qu’il était sans doute un peu de la famille. Le soir de son élection, Nicolas Sarkozy a fustigé la génération post-soixanthuitarde responsable de la décadence de la France (dites Frââance avec emphase) avant d’épouser, quelques années plus tard, une des égéries du boboïsme, Carla Bruni. Bobo à l’insu de son plein gré?

Le mot a quitté la rive gauche de la Seine. Si vous n’avez pas trop de soucis d’argent, si vous cotisez à Amnesty International ou Médecins sans frontières,  si vous fréquentez les milieux culturels et/ou associatifs, si vous avez des panneaux solaires sur votre toit, si vous mangez bio, car le bobo est forcément écolo, si vous préférez la Bretagne à la côte d’Azur pour vos vacances, et si vous portez des lunettes branchées, vous faites dorénavant partie de la famille des bourgeois bohèmes, que vous habitiez Paris, Bruxelles, Tournai ou un petit village des Ardennes.

Aujourd’hui, ce n’est plus tellement le mode de vie du bobo qui suscite les sarcasmes mais son mode de pensée. La pensée unique, parce que le bobo est persuadé d’avoir raison contre tout le monde et que bien sûr, puisqu’il a raison, il veut imposer ses idées au monde entier. Il est évidemment politiquement correct. Le bobo est bien-pensant. Et forcément, il agace.

C’est tellement plus confortable de classer, de catégoriser, de cataloguer les gens

Allo, maman, bobo, comment tu m’as-fait, suis-je bobo? Je ne me reconnais pas vraiment dans l’appellation. Puis j’ai toujours détesté les étiquettes, quelles qu’elles soient d’ailleurs. C’est, à mes yeux, de la paresse intellectuelle. C’est tellement plus confortable de classer, de catégoriser, de cataloguer les gens: cela évite de se remettre en question en se frottant à autrui, à celui qui ne pense pas, qui ne vit pas comme soi. C’est tellement plus facile de placer ses contemporains dans des bocaux, de les étiqueter, puis de les ranger dans l’armoire de ses certitudes en prenant bien soin de la fermer à clef afin de ne plus les voir. Et je n’ai pas plus d’indulgence pour les personnes qui voient d’affreux « réacs » dans tous ceux qui osent manifester leur peur face aux migrants que pour celles qui rangent sous l’étiquette de « bobo » tous ceux qui ont un peu de compassion humaine envers les mêmes migrants. Le réac est le pendant négatif du bobo. Les bocaux peuvent aller par deux : les réacs et les bobos, les fachos et les cocos, les intellos et les barakis, les juifs et les arabes, etc. Avec un ingrédient commun quand même : la caricature, pas la caricature qui fait sourire mais celle qui raccourcit, abrège, réduit, abaisse, humilie…

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S’il fallait vraiment me coller une étiquette, je préfèrerais encore celle d’humaniste, que l’on peut décliner en fonction de ses origines, de ses convictions ou de sa religion. Humaniste chrétien, musulman, laïc, bouddhiste, etc. Humaniste de gauche, du centre ou de droite. Humaniste enseignant, journaliste, boulanger ou maçon. Rêvons et paraphrasons le poète belge Antoine Clesse : Musulman, chrétien, laïc, de gauche, de droite… ne sont que des prénoms, humaniste est notre nom de famille.

Humaniste, oui, j’aime bien. Être humain, c’est peut-être mieux et plus simple. Quoique… N’est-ce pas prétentieux? Ou naïf, voire carrément… bobo?

Allo, allo? Maman? Bobo ! Mais comment tu m’as fait?…

 

 

 

 

Publié par

carnet de bord de Daniel Foucart

Journaliste à Nord Eclair belge (Tournai et Mouscron) depuis 1991, passionné par l'actualité vue par le petit bout de la lorgnette. Et à bord : quelques tranches de vie.